De Berlin à Washington, le débat sur une éventuelle indépendance de la Catalogne résonne bien au-delà des frontières de l’Espagne : Madrid et Barcelone cherchent des appuis à l’étranger avant le scrutin du 27, qui pourrait donner la victoire des séparatistes catalans.
Au jeu de la diplomatie, le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy a abattu un brelan d’as : la chancelière allemande Angela Merkel, le Premier ministre britannique David Cameron, puis le président américain lui ont chacun apporté un soutien.
« Nous sommes déterminés à maintenir nos relations avec une Espagne forte et unie », a déclaré Barack Obama en recevant le roi d’Espagne Felipe VI à la Maison blanche mardi.
Il n’a cité à aucun moment la Catalogne ni ses 7,5 millions d’habitants mais ses quelques mots choisis ont fait leur effet à Barcelone, avant des élections régionales jugées « historiques » pour l’avenir de la région comme pour l’unité du pays.
Ayant accumulé les rancœurs contre le pouvoir central, les indépendantistes présentent ce scrutin comme un plébiscite pour ou contre la sécession, faute d’avoir été autorisés à tenir un référendum réclamé depuis 2012.
Favoris dans les sondages, ces séparatistes – du centre-droit à l’extrême gauche – s’approchent de la majorité absolue des voix. Le président sortant, l’indépendantiste Artur Mas, juge que même la seule majorité des sièges suffirait à lancer un processus de sécession en 18 mois.
Encaissant les propos de Barack Obama, Artur Mas s’est borné à déclarer que « cela fait partie du jeu ». Son équipe présente même comme une victoire le fait que Madrid « ressente la nécessité d’internationaliser le conflit », après l’avoir si longtemps ignoré puis minimisé.
Auparavant, Angela Merkel avait demandé le respect de l’intégrité territoriale de l’Espagne. Puis David Cameron avait averti que la sécession de la Catalogne signifierait sa sortie automatique de l’Union européenne. Le même argument avait été employé l’année dernière avant un référendum en Écosse, qui s’était soldé par un « non » à l’indépendance.
Avertissement de Bruxelles
Le gouvernement de la Catalogne – l’une des 17 régions autonomes d’Espagne – est allé plaider sa cause auprès des parlements du Danemark, d’Irlande, d’Uruguay ou de Belgique, et même d’élus de la chambre des représentants des États-Unis.
Il a également développé son réseau diplomatique, ouvrant de nouveaux bureaux en Autriche et en Italie et nommant un représentant permanent auprès de l’UE.
Sa moisson d’encouragements reste maigre : quelques déclarations prônant l’ouverture d’un dialogue Madrid-Barcelone, notamment de la part du parlement danois, ou le « droit à l’autodétermination » du peuple catalan, de la part d’un membre du congrès américain… Mais aucun engagement à reconnaître une éventuelle République catalane.
« Il est difficile d’obtenir la reconnaissance d’une Catalogne indépendante avant même un vote démocratique », dit le secrétaire aux Affaires étrangères catalan, Roger Albinyana, tandis qu’Artur Mas parie sur « le pragmatisme » de l’UE.
La Commission européenne a répété jeudi qu’une Catalogne indépendante sortirait immédiatement de l’UE. « Aucun pays d’Europe n’a intérêt à éjecter de l’UE cette région méditerranéenne, connexion entre l’Espagne et l’Europe, siège de 5 700 entreprises internationales », assure Roger Albinyana.
AFP/A.P
« Un acte de foi à l’encontre du sens commun »
Pour Ignasi Guardans, ancien député européen ayant abandonné le parti d’Artur Mas à cause de son projet indépendantiste, « tout ça est une fiction, un acte de foi qui va à l’encontre du sens commun ».
Car valider la rupture de la Catalogne avec l’Espagne pourrait servir de précédents pour « d’autres pays confrontés à des crises territoriales », telle la Belgique avec la Flandre, et cela donnerait « un vote méditerranéen de plus au sein de l’UE », juste après les tensions nord-sud au sujet de la crise grecque.
« Les indépendantistes prétendent que l’UE soutiendra la Catalogne contre un État membre, rapporte Ignasi Guardans. mais c’est kafkaien, ça n’a ni queue ni tête. »