La justice espagnole a lancé mercredi des poursuites contre le chef de la police catalane et des responsables indépendantistes, au lendemain d’un discours cinglant du roi contre les dirigeants de la Catalogne qui se disent prêts à déclarer l’indépendance de la région.
Depuis le référendum d’autodétermination interdit de dimanche, marqué par des violences policières, Madrid et Barcelone n’ont cessé de durcir le ton. Dans cette crise, la plus grave depuis le putsch manqué de 1981, aucun des deux camps ne semble prêt à céder du terrain.
Galvanisé par le référendum, la grève générale et les manifestations de masse qui ont réuni mardi 700 000 personnes à Barcelone contre les violences, le président du gouvernement catalan Carles Puigdemont a assuré que son gouvernement s’apprêtait à déclarer l’indépendance « à la fin de la semaine ou au début de la semaine prochaine ». « Nous allons déclarer l’indépendance 48 heures après le décompte des résultats officiels » du référendum, a-t-il annoncé dans un entretien à la BBC. Carles Puigdemont devait prononcer une allocution à la mi-journée.
D’après les résultats provisoires, le oui à l’indépendance l’a emporté avec 90% des votants dans ce scrutin sans liste électorale et sans observateurs que Madrid avait interdit. Au lendemain d’un discours du roi Felipe VI à la fermeté inédite, la justice « a convoqué en vue de leur inculpation » le chef de la police catalane Josep Lluis Trapero ainsi qu’une de ses subalternes et deux dirigeants d’associations indépendantistes, dans le cadre d’une « enquête pour sédition ».
L’enquête porte sur des faits survenus le 20 septembre, lorsque l’arrestation de 14 hauts responsables de l’exécutif séparatiste catalan avait provoqué d’importantes manifestations contre la Garde civile à Barcelone. La police catalane a été accusée d’avoir tardé à intervenir pour dégager les Gardes civils encerclés dans un bâtiment qu’elle perquisitionnait. Selon le code pénal, la sédition est passible d’une peine allant jusqu’à quinze ans de prison pour un fonctionnaire.
Felipe VI a « jeté de l’huile sur le feu »
Réagissant mardi soir pour la première fois au vote de dimanche, Felipe VI a accusé le gouvernement régional catalan d’avoir bafoué « de façon répétée (…) et délibérée » la Constitution et de « mettre en danger la stabilité » de la Catalogne et de toute l’Espagne. Son discours, martelant qu’il est de « la responsabilité des pouvoirs légitimes de l’état d’assurer l’ordre constitutionnel », ouvre la voie à de nouvelles mesures du gouvernement de Mariano Rajoy contre les dirigeants indépendantistes.
Le porte-parole du gouvernement catalan Jordi Turull a accusé mercredi le roi d’avoir « jeté de l’huile sur le feu » avec son discours. « Ça a été épouvantable, une erreur de tous les points de vue », a-t-il déclaré à la télévision catalane. Mariano Rajoy, qui n’avait pas réagi mercredi matin au discours du roi, pourrait invoquer l’article 155 de la Constitution, jamais encore utilisé, qui permet de prendre le contrôle des institutions d’une région qui « porte gravement atteinte à l’intérêt général de l’État ».
Carles Puigdemont a demandé sans succès une médiation de l’Union européenne dans son conflit avec Madrid mais le Parlement européen devait débattre en urgence de cette crise mercredi. Jusqu’à présent, son équipe et lui ont réussi à résister à toutes les pressions du gouvernement de Madrid, ignorant les décisions de justice et préparant en secret le référendum que celui-ci avait juré d’empêcher.
Les images des interventions brutales de policiers casqués pour fermer des bureaux de vote, faisant 92 blessés, ont fait le tour de la planète et indigné les Catalans de tous bords. L’allocution de Felipe VI est venue ponctuer une journée de grève générale et de manifestations en Catalogne contre les violences policières de dimanche. « Dehors les forces d’occupation ! », « Les rues seront toujours à nous ! »: criaient les manifestants en faisant des doigts d’honneur au passage des hélicoptères de police.
Le Quotidien/AFP