A quatre jours du second tour de la présidentielle française, le débat télévisé entre les deux finalistes, le centriste Emmanuel Macron et la candidate de l’extrême droite Marine Le Pen, a souvent viré à la cacophonie et au pugilat verbal.
Au terme d’une campagne très tendue, les deux candidats ont débattu mercredi soir dans une ambiance similaire, Marine Le Pen reprochant à Emmanuel Macron de porter « la mondialisation sauvage », le centriste pro-européen l’accusant de « haine » et de « mensonges ». Selon un sondage auprès d’un échantillon de téléspectateurs interrogés à l’issue du débat, 63% considèrent qu’Emmanuel Macron s’est montré le plus convaincant, contre 34% pour Marine Le Pen – des chiffres qui recoupent à peu près les intentions de vote pour dimanche, annoncées par plusieurs sondages autour de 60% pour le centriste.
Dès le début de l’émission, Le Pen a attaqué bille en tête, qualifiant Macron de « candidat de la mondialisation sauvage », « de la précarisation », « du communautarisme, de la guerre de tous contre tous ». « Vous n’êtes pas la candidate de l’esprit de finesse » ni « de la volonté d’un débat démocratique équilibré et ouvert », a-t-il rétorqué, ironique. Il a opposé « l’esprit de conquête » qu’il estime incarner à son « esprit de défaite ».
« Poudre de perlimpinpin »
Symbole de l’âpreté des attaques, l’échange sur les attentats jihadistes qui ont ensanglanté et traumatisé le pays. « Contre le terrorisme, il faut d’abord retrouver nos frontières, tout de suite », a martelé Marine Le Pen, promettant « l’expulsion » de tous les étrangers soupçonnés de menacer la sûreté du territoire. La sécurité et le terrorisme sont « totalement absents de votre projet », a-t-elle asséné à Emmanuel Macron, l’accusant de « complaisance pour le fondamentalisme islamique ».
« Ce que vous proposez, comme d’habitude, c’est de la poudre de perlimpinpin », a lancé l’intéressé, soulignant que les contrôles aux frontières avaient déjà été rétablis et relevant que les élus du Front national n’avaient pas voté les législations antiterroristes française ni européenne. Le candidat de 39 ans, arrivé en tête du premier tour, a accusé la patronne de l’extrême droite, 48 ans, de tomber dans « le piège » des jihadistes et de « porter la guerre civile dans le pays ». « La grande prêtresse de la peur, elle est en face de moi », a-t-il ensuite lâché à propos de l’euro, car avec elle, « on va sortir de l’euro, de l’Europe », alors qu’une majorité de Français sont hostiles à une telle issue.
Marine Le Pen a de son côté accusé son adversaire d’être soumis à la chancelière allemande Angela Merkel et à sa vision de l’Europe. « De toute façon la France sera dirigée par une femme, ce sera ou moi ou Mme Merkel », a-t-elle glissé. « Arrêtez avec ces formules qui sont ridicules », lui a répondu Emmanuel Macron, ajoutant: « La France n’est pas un pays fermé. Je suis le candidat d’une France forte, dans une Europe qui protège ». L’ancien ministre de l’Économie a accusé sa rivale de multiplier les promesses sans pouvoir les financer. « Il n’y a pas de finance magique », a-t-il lancé, en ajoutant : « vous n’avez pas expliqué comment vous baissez le chômage, vous ne proposez rien ».
« Piloté par François Hollande »
Les programmes des deux candidats sont aux antipodes. Le discours d’Emmanuel Macron, libéral en économie et sur les questions de société, plaît surtout aux jeunes urbains, aux classes moyennes et aux milieux d’affaires. Celui de Marine Le Pen, anti-immigration, anti-Europe et anti-système, séduit plutôt les classes populaires, les ruraux, les « invisibles » et capte le ras-le-bol de Français victimes d’un chômage endémique et de ses conséquences.
Dernière grande occasion de convaincre les nombreux indécis de ce scrutin, ce débat, rituel de la vie politique française depuis 1974, a atteint un niveau de tension inégalé jusqu’à présent. « Mensonges », « n’importe-quoi ! », « vous ne connaissez pas vos dossiers ! », a répété Macron, regardant constamment sa rivale quand celle-ci se plongeait dans ses fiches. Sourire ironique aux lèvres, index accusateur, Le Pen s’est ingéniée à provoquer « l’enfant chéri du système et des élites », le disant à tout propos « piloté par François Hollande » et le renvoyant sans cesse à sa participation au gouvernement socialiste du très impopulaire président sortant. « Vous êtes l’héritière d’un système qui prospère sur la colère des Français depuis des décennies », a rétorqué Macron, « vous êtes son parasite ». « La France mérite mieux que vous », a-t-il affirmé.
Comme l’essentiel de la presse française, le quotidien Le Monde déplorait jeudi un « débat brutal, violent de bout en bout ». Et « pour le fond des programmes, on reste sur sa faim », se désolait le quotidien Le Parisien.