Alors que tout était calé avec le Bayern, qui allait revenir cette semaine avec une offre à 6 millions plus bonus, l’entourage du joueur a décidé contre toute attente de signer à Metz pour trois saisons.
Metz, pour grandir quand on est une star en devenir, c’est l’idéal. Un garçon comme Miralem Pjanic peut en attester. Y rester quand on a 16 ans et que toute l’Europe se prosterne à vos pieds n’est pas chose facile et l’on pourrait même regarder la décision de la famille Thill comme une très saine preuve d’humilité si elle n’était pas tombée au bout d’un invraisemblable revirement de situation qui sent l’improvisation totale ou le pied de nez au petit monde du foot régi par les agents.
La preuve : samedi encore, l’agent de l’international luxembourgeois est à Berlin pour revoir les dirigeants du Bayern, en marge de la finale de Coupe d’Allemagne contre Dortmund. Il y apprend que Karl-Heinz Rummenigge en personne se déplacera en Lorraine la semaine suivante pour y formuler une dernière offre presque triplée par rapport à la première : 6 millions d’euros plus bonus. Pour un garçon de 16 ans, qui n’a pas encore joué un match professionnel, que le club bavarois entend former sur trois ans avant de seulement penser à le lancer en Bundesliga, c’est énorme. Et il est à douter que Bernard Serin, le président lorrain, y soit resté insensible.
500 000 euros sur la table pour la famille
Pour verrouiller l’affaire, le Bayern a même anticipé, au besoin, un refus messin : puisqu’il s’est mis d’accord avec le clan Thill, mais que tout est entre les mains du club grenat, il formulera une offre à la famille du petit prodige : 250 000 euros pour chaque saison passée à Metz à titre gracieux jusqu’à ce que Vincent rejoigne l’Allemagne au terme de son contrat. Une seule condition, majeure : qu’il ne signe aucun contrat professionnel en Lorraine.
Or c’est exactement ce que vient de faire Vincent Thill, lundi, à l’issue d’une entrevue vendredi soir entre son père et les principaux concernés par le dossier, côté Grenat : Bernard Serin, Philippe Gaillot (chargé du recrutement) et Denis Schaeffer (directeur du centre de formation). Metz y a défendu son bifteck le plus normalement du monde, formulant une proposition bien en deçà, naturellement, de ce qu’offre le Bayern… mais qui remporte finalement l’adhésion du paternel. Ce dernier s’occupera notamment de scouting pour le club lorrain.
Ce contrat d’une durée de trois ans, révélé par nos confrères du Wort, est un contre-pied complet. Si la destinée de Vincent Thill commençait encore seulement à vaguement s’ébaucher, elle semblait tracer sa route directement vers la Bavière, où le garçon avait été séduit par les perspectives d’évolution, notamment au regard de l’aspect physique de son éclosion. Techniquement très largement au-dessus de la fourchette haute des meilleurs espoirs de sa catégorie d’âge, le milieu de terrain offensif manque encore singulièrement de muscle, une donnée essentielle sur laquelle il ne pourra pas ne pas tabler avant d’espérer mettre un pied dans le monde pro.
En sélection, Luc Holtz a contourné le problème en insistant sur sa capacité d’évitement des duels, mais il est évident que son petit crack ne survivra pas longtemps sans une préparation longue et adaptée de son corps aux exigences de ce métier difficile. Dans le documentaire Une belle équipe qui lui a récemment été consacré et diffusé sur le site internet de RTL, on voit Vincent Thill se faire expliquer par son staff à quel point le travail qui l’attend à cet égard sera long et fastidieux. Pour son bien, sa famille avait décidé qu’il serait préférable de le mener en Bavière, où l’on dispose d’autres conditions d’entraînement. Visiblement, tout a été balayé d’un revers de main.
Vincent Thill a-t-il reçu, en échange, des promesses de temps de jeu en L1, dès la saison prochaine ? Cela semble peu probable : ce n’est pas le genre de la maison que de griller un garçon, d’autant plus que la saison s’annonce sportivement très difficile. S’il s’offre quelques bribes de match en toute fin d’exercice, cela sera déjà le bout du monde. Même à Munich, le contrat était clair : fin 2018, pas avant. Il ne s’agit donc ni d’argent ni de la confiance placée en un club respectable comme le FC Metz pour accélérer le mouvement. En fait, on ne sait pas pourquoi. Hormis éventuellement une raison éclatante d’évidence : la difficulté d’envoyer au loin l’un des fils d’un clan que l’on sait extrêmement soudé, voire plus.
«On sait ce qu’on fait»
Dimanche, Serge Thill avait asséné, en marge de Progrès-Jeunesse, un «on sait ce qu’on fait» à un curieux qui s’inquiète de l’évolution de la situation et de la pression que les différents clubs lui mettent. Lundi, le même Serge Thill prend tout le monde de court en appelant l’agent de son fils pour lui annoncer qu’il se rend à Metz pour parapher un contrat de trois ans plus deux avec option, une prime à la signature de 30 000 euros, mais… a priori pas de somme fixe pour un éventuel transfert. Une hérésie… Encore plus après avoir passer des semaines à tout caler avec le Bayern pour lui faire un enfant dans le dos alors qu’il est au beau milieu de sa négociation.
Bref, si le choix du FC Metz n’est ni une impasse ni forcément un frein à l’évolution du plus grand talent qu’ait enfanté le Grand-Duché depuis Miralem Pjanic, il y a désormais beaucoup de «si», liés à sa nouvelle situation contractuelle et à la façon dont cette carrière naissante est gérée. Déjà, le Bayern a définitivement clôt le sujet en seulement 24 heures, lui qui suivait le garçon depuis plusieurs très longs mois. La piste est belle et bien abandonnée. Et alors que Chelsea se tenait encore en embuscade au cas où l’affaire avec les Munichois vienne à capoter, la signature de ce contrat ruine tout de ce côté-là. La famille avait de toute façon laissé entendre que l’Angleterre ne l’intéressait pas.
Il est un fait, toutefois, que désormais Vincent Thill n’aura plus forcément son mot à dire et ne maîtrise plus son avenir. Les enjeux autour de sa carrière le dépassaient déjà il y a 48 heures. Désormais, s’il explose comme tout le monde le prévoit, c’est au plus offrant que Metz le cèdera vraisemblablement. Et ce Bayern qui le faisait rêver, ne sera sans doute plus là pour surenchérir. Metz, de son côté, se sera assuré que la valeur marchande du garçon grimpe un peu, de façon artificielle. Et ça, c’est bien joué. Désormais, soit Thill commence à jouer là, soit le FC Metz sera en position de force absolue pour négocier auprès des courtisans…
Julien Mollereau