Christopher Martins, 18 ans, honorera sa sixième sélection avec le Luxembourg, demain face la Macédoine. Un an après sa première cape et deux ans et à demi après un faux départ, le Lyonnais se confie. Calmement.
Puisque son pote de chambrée Dwayn Holter est blessé, Martins partage sa chambre avec Sébastien Thill. «On est tous les deux Rodangeois», rappelle celui qui a poursuivi sa route au RFCU puis à l’Olympique Lyonnais, où il est arrivé durant l’été 2013 sans avoir le temps de croiser Anthony Martial, l’homme que Manchester United vient d’acheter 80 millions d’euros à Monaco. «ll est parti une semaine avant que j’arrive», sourit Martins, installé dans un fauteuil du hall du somptueux hôtel Leweck à
Lipperscheid. À Lyon, Martins, qui vient d’avoir un appartement, son permis de conduire et une voiture, doit faire son trou avec la CFA, son vrai défi cette saison. La Ligue 1 viendra quand elle viendra.
Comment s’est passée la reprise avec Lyon? Il se disait en fin de saison dernière que vous pourriez faire l’avant-saison avec le groupe de Ligue 1…
Christopher Martins : J’ai fait la reprise normalement avec la CFA. J’ai eu une petite blessure à la cheville en fin de saison dernière qui m’a donné un peu de retard. Alors voilà, je suis avec la CFA.
Vous entamez votre troisième saison à l’OL. En êtes-vous là où vous vouliez en être à ce moment de votre carrière?
Je suis très bien, oui. L’année dernière, j’étais même en avance, mais ma blessure m’a ralenti un peu.
Concernant cette cheville, Luc Holtz avait dit que c’est votre impatience qui vous avait fait revenir trop vite sur les terrains. L’impatience, ça vous caractérise bien?
J’ai repris au bout d’un mois alors que les médecins avaient dit que je ne pourrais pas jouer pendant au moins six semaines. Du coup, j’ai fait une rechute et ça a traîné un peu plus. Mais l’impatience, ce n’est pas un défaut. Je suis impatient d’arriver à tel niveau, alors ça me fait travailler encore plus pour y arriver.
Ça ne vous a pas empêché de jouer la finale de la Coupe Gambardella…
Enfin, je ne l’ai pas vraiment jouée, je suis rentré en deuxième mi-temps (NDLR : à la 55e minute, alors que Lyon était déjà mené par Sochaux 2 à 0, score qui n’évoluera pas). J’ai raté les trois-quatre derniers matches de la compétition à cause de cette blessure.
Vous avez pleuré à la fin du match ?
Non! Certains coéquipiers ont pleuré, mais pas moi!
Depuis votre arrivée à Lyon, dans quel domaine avez-vous le plus progressé?
Le mental. Je suis devenu plus mature, y compris dans le jeu. À Lyon, je joue le plus souvent comme milieu défensif, enfin milieu relayeur, mais aussi de temps en temps à droite, comme en sélection. Mais puisque je joue dans l’axe, en gros, on m’a demandé de jouer plus simple. Avant, je faisais des petits gestes inutiles, avec la semelle. Aujourd’hui, j’essaie de jouer en deux ou trois touches. Ça reste un domaine dans lequel je dois progresser. Au poste auquel je joue, je dois faire vivre la balle plus vite et pas faire cinq touches de balle avant de la passer.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre vie lyonnaise?
Au niveau du foot, je sais que je suis au bon endroit. L’OL, c’est un club qui fait confiance aux jeunes. Après, j’aime bien la ville. J’ai mon appartement à côté de Gerland depuis deux mois, tout se passe bien. Mes parents passent me voir de temps en temps.
Le tirage au sort des éliminatoires du Mondial-2018 a offert au Luxembourg la Suède d’Ibrahimovic, la France de Pogba et Benzema et les Pays-Bas de Robben et van Persie. Quel adversaire vous excite le plus?
(Il lâche un grand sourire) Pogba! Ah ouais… Après, je ne joue pas pour Paul Pogba, mais pour le Luxembourg. En ce moment, c’est lui que je préfère voir. J’aime bien Sergio Busquets aussi.
Et Mario Balotelli, c’est fini?
Ça n’a jamais été un modèle ou un joueur que j’aimais plus qu’un autre. On m’appelait Balotelli parce que je lui ressemble un peu, mais c’est tout.
Ça n’a jamais été une référence?
Peut-être quand j’étais plus jeune parce que j’aimais bien ses coiffures et tout ça, mais rien de plus.
Comment avez-vous vécu l’épisode de mars 2013, où, alors que vous veniez d’avoir 16 ans, vous aviez quitté la sélection quelques heures avant ce qui devait être votre première sélection face à l’Azerbaïdjan?
Je n’ai pas voulu jouer car ce n’était pas le moment. Personnellement, je ne me sentais pas prêt pour jouer à ce niveau. Je voulais commencer au bon moment. Précipiter les choses, parfois, ça ne sert à rien. À ce moment-là, je n’avais même pas encore commencé à jouer avec l’équipe première du Racing alors franchement… Quand je me suis senti prêt au niveau du foot, j’en ai discuté avec Luc Holtz et il m’a sélectionné (NDLR : le 8 septembre contre le Belarus, 1-1).
Y a-t-il eu une hésitation avec le Cap-Vert, le pays dont sont originaires vos parents?
Non, ma décision était prise depuis le début. C’est juste que ce n’était pas le bon moment. Je ne me sentais pas prêt pour le niveau international.
Le fait qu’au Luxembourg, les gens ont vite attendu beaucoup de choses de votre part vous a-t-il mis une certaine pression?
Pas du tout. À l’époque de l’Azerbaïdjan, je ne calculais pas trop ce qui se passait. Je lisais tout ce qui s’écrivait, hein, mais je ne prenais pas tout à cœur. Je n’ai jamais pris ça mal, ça ne m’a pas mis en colère, rendu triste ou quoi que ce soit. Simplement, je lisais, puis je passais à autre chose. Même s’il y avait des choses pas toujours vraies. Je pars du principe que vous avez le droit d’écrire ce que vous voulez, après, la vérité, moi, je la connais.
Si c’était à refaire?
Je referais la même chose. Je n’ai pas fugué de l’hôtel comme ça avait pu être écrit. J’ai averti Luc Holtz de mon départ, je lui ai dit que je ne me sentais pas prêt. Voilà…
À l’époque, cela avait été perçu comme un coup de tête d’un jeune qui ne savait pas ce qui voulait et qui était influencé par son entourage. C’est en fait un acte réfléchi?
Ce n’est pas parce qu’on est jeune qu’on n’a pas le droit de réfléchir. Et comme j’ai dit, ma décision était déjà prise de jouer un jour ou l’autre pour le Luxembourg. Si je suis à Lyon aujourd’hui, c’est grâce au Luxembourg, parce que j’ai pu faire des matches avec les sélections jeunes qui m’ont permis de me faire repérer. D’ailleurs, je remercie mon pays pour ça. Après tout ce que Luc Holtz et Reinhold (Breu) ont fait pour moi, jouer pour le Luxembourg, c’était logique en fait.
On imagine qu’au-delà de vos ambitions en club, vous devez en avoir avec la sélection…
Bien sûr. Je vois bien que le niveau est plus élevé que lorsque je suis venu la première fois il y a deux ans et demi. Il y a une super génération qui suit derrière, des joueurs très forts qui ne sont pas encore dans le groupe.
Quel est votre objectif pour cette saison? Apparaître sur une feuille de match de Ligue 1?
Je prends les choses comme elles viennent. J’espère jouer en Ligue 1, c’est sûr. Mais je n’ai pas encore vraiment fait ma place avec la CFA. Quand les pros redescendent, je ne suis pas toujours titulaire (il marque une pause). C’est ça aussi mon petit défaut, je ne suis pas encore assez régulier. Je suis capable de faire un bon match et de faire n’importe quoi le suivant. J’arrive à savoir quand je suis bon et quand je passe à côté de mon match. Je ne suis pas à la recherche d’un match référence, mais de plusieurs. Et ça, ça vaut aussi bien pour Lyon que pour la sélection. Faire un bon match, ça ne suffit pas. Je suis encore jeune, j’ai le temps de faire des belles choses.
Il y a cinq mois avant un match amical contre la Turquie, Luc Holtz vous avait renvoyé chez vous en disant que vous n’aviez pas la bonne attitude. C’est quoi cette histoire?
Pendant toute la semaine, je n’étais pas dedans. Après, j’ai déconné un peu. Il a préféré me renvoyer à la maison pour me faire réfléchir. Même si j’ai 18 ans, il y a des trucs que je ne dois pas faire.
Vous comptez 5 sélections et n’avez jamais paru impressionné, y compris face à l’Espagne lors de votre troisième titularisation (0-4, le 12 octobre dernier), lorsque Jordi Alba vous marquait et qu’Andres Iniesta n’était jamais très loin de vous…
C’est ma mentalité qui est comme ça. Ce n’est qu’un match de foot, alors je n’ai pas à avoir peur d’un champion du monde ou de qui que ce soit.
Entretien avec notre journaliste Matthieu Pécot
Un contrat pro de trois ans
Chris Martins a conscience d’avoir mis les pieds au bon endroit, au sein d’un des meilleurs centres de formation d’Europe qui n’hésite pas à donner une chance de se montrer à ses meilleurs éléments. «Je ne regrette pas le choix que j’ai fait il y a deux ans et demi. C’est l’endroit idéal pour progresser», consent-il. L’amour est réciproque puisque l’OL lui a fait signer, en octobre dernier, un contrat professionnel de trois ans plus deux en option. Le contrat a pris effet en juillet.