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Urologue accusé d’attouchements : «Pour moi, c’était l’enfer»


Après avoir livré leur témoignage, les trois femmes se sont constituées parties civiles. Elles réclament 32000 euros au titre du préjudice moral. (Photo LQ / Didier Sylvestre)

Depuis mercredi, un urologue qui travaillait au CHEM de Niederkorn comparaît pour attentats à la pudeur sur trois patientes. Jeudi, le tribunal a entendu un témoignage poignant.

Elles sont trois à avoir porté plainte contre l’urologue, âgé aujourd’hui de 62 ans. Toutes les trois affirment avoir subi des attouchements lors d’un examen médical. L’une avait 26 ans, l’autre 34 ans et la troisième 43 ans au moment des présumés agissements.

« Il a fait pire que m’attacher pieds et mains. La peur était si grande qu’il m’était impossible de m’enfuir. » L’aînée des trois n’est pas près d’oublier ce qui lui est arrivée en janvier 2017 lorsque, souffrant de douleurs au rein, elle consulte l’urologue travaillant au CHEM de Niederkorn. La voix tremblante et les larmes aux yeux, la quadragénaire a livré jeudi matin un récit poignant à la barre de la 18e chambre correctionnelle.

Depuis la longue traversée du couloir où elle avait pris place dans une chaise roulante et où le docteur aurait commencé par lui masser un peu les épaules, jusqu’aux attouchements dans la salle d’examen… « Pour moi, c’était l’enfer », lâchera la quadragénaire face aux juges. Et d’illustrer : «Avec une main, il faisait l’échographie, l’autre, il l’avait posée sur mon sein.» En lui expliquant ensuite le trajet du calcul rénal, il lui aurait fait des caresses. Il aurait, par ailleurs, mis la main sur sa hanche. Enfin, lors d’une dernière manipulation, où elle était censée se pencher vers l’avant, elle aurait senti tout son corps contre elle.

« Je voulais essayer d’oublier »

«Dans 15 jours, je vous revois», lui avait annoncé le praticien en fin d’examen. Mais elle n’était plus jamais retournée le voir. Jusqu’à ce qu’elle signale les faits, il a toutefois fallu attendre quelques mois: « Je voulais essayer d’oublier. Je voulais être forte. Mais cela ne me sortait plus de la tête quand j’étais seule. » C’est donc au mois d’avril 2017 qu’elle a décidé de ne plus garder le secret et d’écrire un courriel à l’hôpital de Niederkorn.

L’urologue se trouvait alors déjà dans le viseur de la justice. Au mois de mars, une jeune patiente de 26 ans avait porté plainte. Au cours de l’enquête, la police avait dû constater qu’une autre patiente avait déjà dénoncé « un examen pas normal » en août 2015. Si, à l’époque, elle avait rapporté l’incident par écrit à l’hôpital, elle n’avait pas porté plainte à la police. Son explication hier: « C’est essentiellement à cause de mon problème de connaissance des langues.» «Quand le policier s’est présenté chez moi en 2017, cela a été un grand soulagement», a-t-elle ajouté.

« La partie émergée de l’iceberg ? »

Jeudi, le tribunal a également entendu son chef, qu’elle avait mis dans la confidence à l’époque. Il confirme avoir retrouvé son employée mal à l’aise après l’examen médical. Il lui aurait conseillé de ne plus retourner chez le médecin sans être accompagnée d’une infirmière. Il affirme également ne pas avoir mâché ses mots quand il a croisé le docteur dans les couloirs à l’hôpital. « Même si c’est une belle femme, cela reste une patiente », lui aurait-il ainsi lancé.

Après avoir livré leur témoignage, les trois femmes se sont constituées parties civiles. « Un médecin est là pour aider les patients. Il a clairement abusé de sa fonction », a estimé Me Lynn Frank. L’avocate de la jeune femme qui avait porté plainte en mars 2017 réclame 12 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral. Les deux autres plaignantes demandent chacune 10 000 euros. Dans sa plaidoirie, Me Lisa Wagner s’est demandée si les plaintes des trois patientes ne constituaient pas « la partie émergée de l’iceberg ». « L’objectif de ma cliente, c’est que cela n’arrive à personne d’autre », a-t-elle insisté.

Le procès se poursuit mardi matin. Après l’audition du dernier témoin, cela sera au tour du prévenu de s’expliquer. L’urologue ne fait plus partie de l’équipe du CHEM aujourd’hui.

Fabienne Armborst