Depuis lundi, un médecin de l’hôpital de Niederkorn comparaît pour homicide involontaire. Il lui est reproché un mauvais diagnostic ayant entraîné le décès d’une jeune femme.
Pas moins de dix docteurs et experts sont appelés à témoigner dans ce procès qui doit occuper la 9e chambre correctionnelle du tribunal de Luxembourg toute la semaine. Le procès s’était ouvert début décembre dernier, mais avait dû être reporté à la suite de l’absence d’un des experts appelés à témoigner. Ce que déplorait sa sœur, après douze ans de procédures.
Retour sur les faits : Le 24 janvier 2004, vers 14h30, Sylvie est prise d’un malaise, souffre de douleurs violentes à l’abdomen accompagnées de vomissements et de diarrhées. Elle appelle son compagnon qui vient aussitôt la chercher à Metz où elle se promène pour la ramener à la maison, à Niederkorn. Les douleurs persistent et le couple décide de se rendre aux urgences.
Il est 19h, ce samedi soir, quand la victime arrive à l’hôpital Marie-Astrid de Niederkorn où elle est reçue par un urgentiste achevant son service. Entendu lundi par le tribunal, ce dernier déclare ne pas avoir constaté de signes inquiétants au niveau de l’abdomen de la patiente : «L’abdomen était souple. Je pensais à une intoxication alimentaire ou une gastroentérite aiguë.» Il explique lui avoir prescrit une perfusion contre les crampes et les douleurs abdominales.
Le second médecin généraliste de garde, qui prend la relève à 20h, ordonne une prise de sang et une radio de l’abdomen. Devant les résultats qui lui paraissent inquiétants, il appelle le médecin gastroentérologue de garde à 21h30 pour lui signaler le cas de Sylvie. Il lui demande d’hospitaliser la patiente et de venir dans l’heure. Comme à 23h le gastroentérologue n’est toujours pas passé, il le rappelle. L’urgentiste dit ne pas avoir vu quand le spécialiste est finalement arrivé. Toujours est-il que vers 6h du matin, une infirmière l’a appelé pour lui dire qu’une patiente n’allait pas bien : «On m’a dit de venir, qu’il y avait urgence, se rappelle l’urgentiste. Elle était sous perfusion quand elle a quitté les urgences. Entre 22h et 6h, je ne sais pas ce qui s’est passé.»
Il s’avère que la patiente a fait un arrêt respiratoire et cardiaque. Elle est réanimée et stabilisée avant de pouvoir passer au scanner, qui révèle la strangulation de l’intestin grêle. Elle sera opérée en urgence par un chirurgien qui lui enlève 217 centimètres d’intestin. Mais trop tard. Le mal est fait, les sécrétions toxiques ont fait leur œuvre.
«Très peu de monde ce week-end à l’hôpital»
Sylvie est plongée dans le coma. Un scanner de la tête révèlera que l’arrêt respiratoire a provoqué un œdème cérébral. Elle est en état de mort clinique, on ne peut plus la sauver. Elle décédera le 29 février 2004, le jour de ses 28 ans.
Durant l’enquête, une question clé s’est posée : est-ce que le scanner aurait dû être fait le soir-même ou pendant la nuit quand le gastroentérologue a été appelé ? Interrogé sur la nécessité d’un scanner, le médecin généraliste explique avoir confié la patiente au gastroentérologue : «À l’époque, les radiologues voulaient que les spécialistes ordonnent un scanner.» Au cours de son audition lundi, il est par ailleurs apparu qu’il n’y avait aucun radiologue qui assurait une permanence à l’hôpital ce soir-là. «Le radiologue ne se déplace pas pour interpréter une radio. Je l’ai interprété moi-même avec mes connaissances», explique ainsi le témoin. Sur quoi le parquet a posé la question de l’utilité de l’examen si personne ne peut l’interpréter.
Selon le témoin, vers 6h, il n’y avait pas non plus d’anesthésiste-réanimateur sur place. Il serait arrivé trente minutes après avoir été appelé par une infirmière anesthésiste. «Il y avait très peu de monde ce week-end à l’hôpital», a souligné Me Pascal Peuvrel, l’avocat de la partie civile représentant la sœur, le frère et les parents de la victime.
Le procès se poursuit ce mardi après-midi.
Fabienne Armborst