Depuis mardi, trois jeunes hommes comparaissent pour avoir participé à un important trafic de drogue jusqu’à fin mars 2017. Pensaient-ils ne pas laisser de traces en recourant à Snapchat pour leur trafic de drogue ? Toujours est-il que les enquêteurs ont récupéré certains des snaps.
Michel H. avait mis sur pied un important trafic de drogue à Luxembourg et à l’étranger. Il y avait une répartition des rôles : depuis la Thaïlande, il coordonnait le tout. Des mules venaient des Pays-Bas. Et Yan B. et Ronny M. réceptionnaient la marchandise et la mettaient en circulation dans le sud-ouest du pays.»
C’était la conclusion de l’enquêteur mercredi après-midi à la barre. Pour cette enquête, le SREC Esch avait déployé les grands moyens : observations, écoutes, repérages téléphoniques… Et puis il y a eu les données Snapchat obtenues par le FBI via une commission rogatoire internationale (CRI) aux États-Unis. Les autorités luxembourgeoises ont pu récupérer une petite partie – 2 627 – de ces messages échangés entre les protagonistes. Seule une minorité a pu être exploitée. L’enquêteur relève néanmoins «quelques snaps intéressants». Ainsi une discussion le 24 mars 2017 entre Michel H. et Yan B. où apparaissent les chiffres 13 100 et 21 300 suivis du mot «Hollänner» (Néerlandais). «Difficile de croire qu’il y a seulement eu des sacs de 500 g ou de 1 kg de marijuana», commente l’enquêteur.
Depuis son arrestation, Michel H. conteste en effet avoir chapeauté le moindre trafic de drogue. Celui que le parquet qualifie de «chef de file» avait été interpellé le 23 septembre 2017 à l’aéroport de Zaventem à Bruxelles en revenant de Thaïlande. Fin avril 2017, un mandat d’arrêt international avait été décerné à son encontre.
«Plutôt la prison que faire des déclarations»
Après son extradition début octobre 2017, il s’est montré très peu loquace : «Je préfère aller en prison que faire des déclarations à la police», avait-il fait comprendre lors de son premier interrogatoire. Plus tard, il reconnaîtra avoir joué l’intermédiaire dans le trafic de marijuana. Mais pour les snaps cités par l’enquêteur, il n’a pas d’explication : «Je ne me rappelle pas.» C’étaient les mots hier du jeune homme qui dort actuellement à Schrassig. Il a répété avoir joué l’intermédiaire pour trois livraisons de 500 g à un kilo à Yan B. Pas plus. Il n’aurait pas non plus touché d’argent en Thaïlande via Western Union.
On est loin des descriptions livrées par le coprévenu Yan B. (24 ans). Ce dernier affirme avoir suivi les instructions que Michel H. lui donnait sur Snapchat. C’est lui qui lui aurait toujours indiqué où il devait récupérer la marchandise et la livrer. Pour chacune de ces courses, il aurait touché 100 euros. «Je voulais me faire pardonner une affaire qui remontait à quatre ans où je l’avais dénoncé.» À cela se seraient ajoutés de temps à autre quelques petits sachets qu’il se serait partagés avec Michel H. et Ronny M., le troisième homme sur le banc des prévenus.
Un homme cité comme témoin mercredi a confirmé avoir eu affaire au trio pour se procurer son herbe. «Via Snapchat, je la commandais à Michel. Yan me la passait et je lui filais l’argent», a détaillé le témoin. À la barre, il a toutefois affirmé ne jamais avoir acheté de cocaïne. «C’est pourtant un fait avéré. Vous avez été condamné pour avoir reçu en 2016 et 2017 tous les trois mois 5 g de cocaïne d’eux», lui a remémoré le président. Si le témoin ne se souvient plus de la cocaïne, il a confirmé que Ronny M. (27 ans) accompagnait toujours Yan B. lors des remises.
Le tribunal a tenté de savoir comment ils avaient fini par apprendre fin mars 2017 qu’ils étaient observés. «En partie par Michel et ceux qui venaient chez nous à Fingig. Mais moi aussi je l’avais remarqué», a concédé Yan B. Et l’idée de se rendre aux Pays-Bas ? – «C’était n’importe quoi. Surtout qu’on est revenus au bout d’une semaine.» Pour rappel, fin avril 2017, Yan B. et Ronny M. avaient finalement été arrêtés.
Suite du procès mercredi prochain avec les plaidoiries de la défense et le réquisitoire du parquet.
Fabienne Armborst