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Recherché pour homicide en Finlande, poursuivi pour viol au Luxembourg


La première fois qu'il l'aurait prise par la gorge, elle pensait lui avoir manqué de respect : «J'ai culpabilisé», se souvient-l'ex-compagne. (illustration Didier Sylvestre)

Battue, étranglée, séquestrée, violée… C’est d’un véritable calvaire dont a parlé une femme de 44 ans mardi matin à la barre. Lors d’un récit détaillé, elle est revenue sur les faits qu’elle situe entre Noël 2016 et mai 2017. Le prévenu, condamné et recherché en Finlande, conteste tout.

« Une femme caméléon qui change de caractère et de couleur. » Voilà comment le prévenu avait décrit son ex-compagne devant l’expert psychiatre en prison. «D’après ce qu’on a appris dans la matinée, c’est plutôt lui le caméléon», constatait la présidente de la 13e chambre criminelle.

«C’est quoi votre vrai nom ?» L’identité du prévenu qui a déclaré face aux juges être né à Bagdad en 1982 est loin d’être claire. Il aura fallu de longues minutes pour tenter de décortiquer son passé. En février 2016, il a atterri dans le viseur des autorités luxembourgeois après avoir remis au ministère des Transports un permis de conduire irakien falsifié.

Poursuivi pour viol sur sa compagne, il a ensuite été mis en détention préventive à Schrassig en juin 2017. Toujours sous ce nom d’Odai A., il a indiqué à l’expert psychiatre avoir fui l’Irak pour obtenir l’asile au Grand-Duché en 2013. Il disait être fils unique de parents décédés. Revirement toutefois mardi matin, où visiblement sa mère se trouvait dans la salle d’audience… Et il affirmait avoir demandé et obtenu le droit d’asile en Finlande dès 1998. À l’époque il avait 16 ans et s’appelait Marwan A., dit-il.

Présent à l’audience, l’expert retient : «J’apprends beaucoup de choses. Cela aggrave la confusion.» Mais il ne relève aucune dangerosité d’un point de vue psychiatrique : «Il a inventé cette nouvelle identité en 2013 pour se défiler et rester impuni.» Il s’avère en effet que sous le nom de Marwan A. il est recherché pour homicide en Finlande. Pays qu’il aurait fui en 2013 après avoir subi de nombreuses maltraitances, raconte-t-il. Le parquet n’est pas vraiment d’accord : «Ses problèmes, ce sont plutôt ses sept pages de casier judiciaire.»

«Je voulais commencer une nouvelle vie au Luxembourg sous une autre identité.» Voilà l’explication du prévenu à la barre. Une vie normale avec de faux papiers ? La confusion restera entière. Car quand le prévenu a été invité à apposer sa signature dans le plumitif pour acter une question de procédure, il a demandé à la présidente : «Quelle signature vous voulez ?»

« Tu es très belle quand tu pleures »

Retour aux faits dont est saisie la chambre criminelle. Si le prévenu reconnaît avoir porté un faux nom et utilisé un faux permis – faits pour lesquels 30 mois et une amende ont d’ores et déjà été requis –, il conteste les viols et coups et blessures : «Je ne l’ai pas frappée, je me suis défendu.»

Les larmes aux yeux, la femme s’est avancée à la barre avant de se lancer dans un récit émouvant. Ils se seraient rencontrés fin août 2016 à l’Office social de la côte d’Eich. Ils auraient échangé leurs numéros de portable. Ils auraient fini par devenir colocataires, puis un couple. «Je suis tombée amoureuse de lui. Il m’a soutenue dans les moments difficiles.» Elle aurait accepté le mariage religieux devant un imam. Mais par la suite, cela aurait dégénéré : «Il est devenu très possessif et jaloux.» La première fois qu’il l’aurait prise par la gorge, elle pensait lui avoir manqué de respect : «J’ai culpabilisé», se souvient-elle.

Il n’y aurait pas eu que des coups. La quadragénaire décrira des scènes de séquestration où elle était proche de l’étranglement : «Comme je suis sa femme, je dois être disponible, disait-il.» Feignant devoir aller aux toilettes, elle aurait réussi à se réfugier dans sa chambre après avoir été violée. Mais quand le lendemain elle avait passé la porte d’entrée, il lui aurait soufflé : «Si tu me dénonces, je te tue !»

Dans un premier temps, elle avait trouvé refuge dans un foyer. Mais il aurait continué à la harceler par téléphone. Et il aurait fini par retrouver son adresse quand le Fonds du logement avait envoyé au printemps son nouveau contrat de bail à son ancienne adresse… Il serait venu la voir à Bonnevoie : «Il m’a manqué, je l’ai serré dans mes bras. J’ai couché avec lui.» Si ces relations étaient consentantes, au mois de mai elle raconte avoir de nouveau été violée. Après l’avoir croisée à l’épicerie sociale, il l’aurait suivie jusqu’à chez elle. «Tu es ma femme. Tu dois coucher avec moi, lui aurait-il dit. Tu es très belle quand tu pleures.»

Suite du procès ce mercredi après-midi.

Fabienne Armborst