Trois hommes poursuivis pour avoir loué, entre 2010 et 2014, dans la capitale de minuscules chambres moisies sans chauffage étaient convoqués au tribunal lundi.
« Il n’y avait pas d’eau chaude. Quand on est arrivés, la mère d’un bébé était en train de faire chauffer son eau dans une casserole. » Cela se passe au 36 rue de Strasbourg. On est le 17 mars 2014 lorsque le Service régional de polices spéciales débarque dans l’immeuble. D’après l’enquête, depuis septembre 2013, les locataires originaires de Guinée-Bissau n’ont plus d’eau chaude ni de chauffage.
Outre l’exiguïté des neuf logements répartis sur les trois étages et loués jusqu’à 750 euros par mois, la police relève des problèmes d’hygiène. «Dans toutes les chambres, il y avait des cafards. Dans la salle de bains, il n’y avait pas de ventilation. Partout, c’était moisi.» Dans l’exposé de son rapport lundi après-midi, la policière a indiqué avoir été informée par ses collègues de la section mœurs le 25 septembre 2012, à l’occasion de la fermeture du cabaret King’s Club. Après un premier contrôle, le propriétaire des murs et le locataire reçoivent un courrier leur imposant un délai pour entreprendre des travaux. En décembre 2013, un feu se déclare dans le local à poubelles. Comme c’est un rendez-vous pour les squatters du milieu de la drogue, les interventions de la police se succèdent. Au final, l’évacuation forcée des lieux est ordonnée pour le 2 avril. Et les habitants sont tous relogés par la commune dans des foyers.
Poursuivis pour avoir loué des chambres meublées alors qu’elles ne respectaient pas les critères de salubrité, d’hygiène et d’habitabilité auxquels doivent répondre les logements destinés à la location, trois hommes comparaissaient à la barre de la 7e chambre correctionnelle. Le trio a contesté en bloc les faits qui lui étaient reprochés. «Quand j’étais là, tout marchait bien, s’est exclamé le quinquagénaire qui gérait le cabaret jusqu’en juin 2012. «Il y avait de l’eau chaude et du chauffage», a poursuivi le prévenu. Mi-juin, il avait résilié le contrat de bail. À noter qu’à l’époque, il était poursuivi pour proxénétisme. Faits pour lesquels il a été condamné début février 2017.
Entre 18 et 24 mois de prison requis
Le deuxième homme convoqué à la barre avait repris l’établissement début juillet 2012 avant de résilier le bail début janvier 2013. «Je n’ai pas conclu de nouveaux contrats de location pour les chambres, s’est-il défendu. Je leur ai dit : ‘Il faut partir. Ce n’est pas dans les normes.’» Il reconnaît uniquement avoir encaissé un loyer.
Le propriétaire des murs, âgé aujourd’hui de 78 ans, est le troisième homme sur le banc des prévenus. Il nie avoir signé un nouveau bail avec les sous-locataires des chambres et avoir perçu des loyers entre janvier 2013 et début avril 2014.
Son avocat a soulevé que son client avait introduit en septembre 2013 une procédure en justice pour faire déguerpir les sous-locataires. «Il a fait ce qu’il pouvait. Pour lui, l’immeuble était fermé judiciairement avec des scellés», a-t-il ajouté. Les avocats des deux autres prévenus qui étaient locataires de l’immeuble, ont également plaidé l’acquittement. Alors que le premier estime que son client n’avait pas d’intention frauduleuse en sous-louant les chambres, le deuxième a soulevé : «Mon client voulait louer le cabaret, il n’était pas intéressé par les chambres. Les sous-locataires étaient déjà dans les chambres avant son arrivée.»
«J’ai des problèmes avec cela. Avec son loyer de 8 999 euros par mois à verser, il ne pouvait pas ne pas s’assurer que le loyer des chambres rentre chaque mois», a rétorqué le représentant du parquet. Selon ses calculs, le trio aurait perçu au total plus de 69 000 euros. Contre le propriétaire des murs, il a requis 18 mois de prison et 20 000 euros d’amende ainsi que 40 000 euros d’amende contre sa société. Contre les deux autres prévenus, il a respectivement requis 24 mois et 12 mois de prison ainsi qu’une amende de 20 000 euros. Le tribunal rendra son jugement le 13 juillet.
Fabienne Armborst