Le procès de plusieurs manifestants de la « March for Freedom » auxquels le parquet reproche de s’être rebellés au Kirchberg en 2014 s’est ouvert mercredi.
Poursuivies notamment pour rébellion et coups et blessures volontaires contre des agents de police, le 5 juin 2014 place de l’Europe au Kirchberg, six personnes âgées de 25 à 38 ans comparaissent depuis mercredi devant le tribunal correctionnel. Pour l’ouverture de ce procès, seuls quatre prévenus étaient présents.
Il y avait du monde pour soutenir les manifestants à leur procès. Originaires de plusieurs pays (Tchad, Pakistan, Turquie, Luxembourg et Allemagne), les prévenus participaient à la marche «March for Freedom – Freedom not Frontex». Le 5 juin 2014, ils avaient fait une étape devant le centre de conférences au Kirchberg où se tenait une réunion des ministres de l’Intérieur et de la Justice de l’Union européenne. La police avait fini par intervenir. Cinq policiers sont appelés à témoigner dans ce procès. Mercredi matin, le tribunal a commencé par entendre la version de la défense qui a également présenté une vidéo de 17 minutes.
« Personnellement, on ne m’a pas ordonné de partir.» Selon un premier témoin de la défense, il n’y a pas eu communication verbale de la part des policiers, mais des coups de pied et l’emploi de gaz irritant. « Les policiers ont tiré les personnes en bas des escaliers, les ont poussées à terre et aspergées avec du spray au poivre », illustre un second témoin qui était également présent lors de la manifestation ce matin-là.
« On voulait manifester de façon paisible », raconte-t-il en tentant d’exposer leur motivation politique. Le président l’a toutefois très vite coupé et lui a demandé de se concentrer sur les faits qui font l’objet du procès. Les six prévenus sont poursuivis notamment pour rébellion et coups et blessures volontaires contre des agents de police.
Mais les témoins de la défense n’ont aucun souvenir d’un quelconque acte de violence. Ainsi, déclarent-ils ne pas avoir vu comment un prévenu aurait jeté une chaussure en direction d’un policier. Selon le premier témoin, les agents auraient fini par arrêter plusieurs personnes de façon aléatoire : « Ils ne donnaient pas une impression professionnelle, comme s’ils ne maîtrisaient pas la situation .»
Or du côté de la police, la vision des choses est tout autre. « C’est une manière de procéder tout à fait normale, car on ne veut pas prévenir à l’avance les personnes qu’on compte interpeller », expliquera quelques instants plus tard Daniel Back, qui dirigeait ce jour-là l’intervention en tant que chef de la circonscription de Luxembourg. Retour sur le début de l’intervention, telle que l’a vécue la police.
«Certains ont suivi nos ordres, d’autres non»
Le matin du 5 juin 2014, les forces de l’ordre sont informées d’une manifestation sur la place de l’Europe au Kirchberg. Une manifestation qui n’a pas reçu d’autorisation. « À notre arrivée sur les lieux, on a constaté un graffiti et un sit-in devant le ministère du Développement durable et des Infrastructures. Les citoyens ne pouvaient plus entrer dans le bâtiment », témoigne le policier. Pour les forces de l’ordre, les manifestants ne respectaient pas la zone antidémonstration située entre l’escalier et l’entrée du bâtiment.
Le policier remarque ne pas avoir reçu de déclaration d’intention de la part des manifestants. C’est alors qu’il leur aurait donné l’ordre de libérer l’entrée. « Certains ont suivi nos ordres, d’autres ont entamé un sit-in. On n’a pas cédé. Et nous avons dû déloger certaines personnes par la force. » « Des policiers ont été blessés, mordus et griffés, des casquettes ont disparu, des liquides déversés et ils ont été injuriés », poursuit-il.
Les agents de police avaient fini par encercler les manifestants. « Mes gens m’ont dit qu’ils reconnaissaient ceux qui ont commis les délits. Notre but était d’éviter qu’ils s’enfuient. Les uns étaient là pour menotter, les autres pour protéger et les chiens pour infliger du respect. » Les manifestants interpellés avaient finalement été conduits au commissariat de la rue Glesener. Sur question du tribunal, le témoin n’a pas pu confirmer qu’il a vu en personne l’un des six prévenus agresser les policiers.
Il s’avère que des policiers de différents services avaient été appelés en renfort au Kirchberg. Au cours de sa déposition, le policier a énuméré toute une série de techniques employées. La défense s’interroge si tous les agents les maîtrisaient donc. Sans hésitation, le policier a répondu : « Tout le monde savait de quoi il s’agissait, même les maîtres de chien! »
Le procès se poursuit ce jeudi matin à 9 h.
Fabienne Armborst