Le procès des trois éducatrices poursuivies pour avoir ligoté des enfants dans un foyer scolaire à Bonnevoie en 2008 et 2009 a repris, mardi.
Fin octobre, les trois prévenues, âgées aujourd’hui de 32 à 34 ans, avaient dû comparaître une première fois devant la 18e chambre correctionnelle du tribunal de Luxembourg. Mais en raison de la demande de la défense d’entendre d’autres témoins, la suite du procès avait été fixée à une date ultérieure. Il a finalement repris mardi.
Les faits reprochés aux trois prévenues remontent aux années 2008 et 2009. À l’époque, elles travaillaient comme éducatrices dans le foyer scolaire Gellé à Bonnevoie. Elles y avaient ligoté avec du ruban adhésif certains enfants prétendument trop agités âgés de 5 à 8 ans. Elles leur avaient ainsi attaché les bras et les pieds à une chaise.
D’après l’enquête exposée pendant la première audience du procès en octobre dernier, six enfants ont, à un moment ou à un autre, été concernés par cette mesure d’entrave. Il se serait agi d’un «ruban adhésif en plastique brun clair». Un enfant entendu par la police avait même expliqué avoir été ligoté à six reprises. «C’était un enfant qui n’était pas calme, cela on l’a également remarqué lorsqu’on l’a entendu», avait ajouté l’enquêteur. Pendant l’enquête, il était également ressorti que les avis concernant cette manière de faire étaient partagés parmi le personnel du foyer scolaire, à l’époque. «Certains ne considéraient pas les faits comme très graves, d’autres les ont complètement condamnés», avait ainsi résumé l’enquêteur.
Le tribunal avait également entendu plusieurs personnes qui travaillaient au moment des faits dans la maison relais en question. Toutes avaient souligné de nombreux problèmes dus au manque de personnel. «On se sentait un peu seuls. On était toujours en sous-effectif, avait notamment affirmé l’une des coresponsables de la maison relais. Nous n’étions pas dans la norme en ayant toujours 12 ou 13 enfants par éducateur.» Elle avait aussi noté qu’en tant que coresponsable, elle avait rédigé de multiples courriers à la direction pour se plaindre de la situation et demander de l’aide. À noter, dans ce contexte, que l’enquête a relevé que la structure pouvait, à l’époque, accueillir 153 enfants. En 2007, ils étaient 148 et en 2008, 164.
Mercredi, lors de la troisième journée du procès, la 18e chambre correctionnelle a entendu trois témoins de la défense. Parmi eux, Justin Turpel qui a travaillé entre 1978 et 2011 en tant que fonctionnaire dans le service scolaire de la Ville de Luxembourg et qui était également actif sur le plan syndical. À la barre, il a confirmé le «manque chronique de personnel» dans les foyers scolaires à l’époque. Selon le témoin, les éducatrices n’avaient, dans certaines situations, pas d’autre choix que d’enfreindre la loi.
«C’était toujours le cas d’urgence»
La législation prévoit au minimum un éducateur pour neuf enfants âgés de 2 à 5 ans. Si les enfants ont plus de 5 ans, une personne peut encadrer 11 enfants. En cas de situation exceptionnelle, les effectifs peuvent être dépassés de 33 %. «Mais chez nous, c’était toujours le cas d’urgence. Les éducatrices étaient surchargées», a expliqué le pédagogue social, coresponsable du foyer scolaire Gellé en 2008 et 2009.
Le témoin a rappelé qu’après le lancement des chèques-service accueil, tous les enfants avaient dû être acceptés dans le foyer. «De combien d’éducateurs le foyer scolaire aurait-il eu besoin?», lui a demandé le tribunal. «On aurait eu besoin du double. Dans notre foyer, un enfant sur trois était un enfant à besoins spécifiques.» À l’époque, la chargée de direction du foyer avait également envoyé un courriel à son supérieur dans lequel était décrite la situation du manque de personnel : «Nous ne pouvons garantir la sécurité des enfants. Nous déclinons toute responsabilité en cas d’incident.»
Le procès se poursuit jeudi matin avec l’audition des témoins de la défense. Sera également entendue l’échevine de la Ville de Luxembourg, Viviane Loschetter, responsable politique des foyers scolaires.
Fabienne Armborst
LA question est pourquoi des faits graves de 2008 et 2009 ne sont jugés qu’en 2016???