En mars dernier, les 21 prévenus du réseau de stupéfiants nigérian de Wasserbillig étaient condamnés à de la prison. Lundi s’est ouvert leur procès en appel.
C’est le 27 octobre 2015 que la police était passée à l’action au 33 Grand-Rue à Wasserbillig, frappant un gros coup contre un réseau de stupéfiants nigérian actif dans le quartier de la Gare à Luxembourg. Vingt hommes et une femme s’étaient retrouvés sur le banc des prévenus mi-janvier 2017. Au total, la 12e chambre correctionnelle avait prononcé 128 ans de réclusion ferme et 19 ans assortis d’un sursis à leur encontre.
« Une chose est certaine, ma cliente n’en restera pas là. Elle usera de toutes les voies légales pour parvenir à démontrer qu’elle n’est certainement pas impliquée dans une organisation criminelle.» C’étaient les mots de Me Hellal, l’avocat de Bekky T., à la sortie de l’audience le 10 mars dernier. Contre sa cliente, le tribunal venait de prononcer neuf ans de réclusion (dont trois avec sursis) et une amende de 2 500 euros.
Les deux autres principaux prévenus du réseau de stupéfiants nigérian de Wasserbillig, quant à eux, ont changé d’avocat. Me Miloud Ahmed-Boudouda et Me Frank Rollinger assurent désormais leur défense. Les deux quadragénaires avaient écopé de 15 ans de prison ferme et de 10 000 euros d’amende en première instance.
Selon l’enquête, Joseph E. mettait l’immeuble au 33 Grand-Rue à Wasserbillig à la disposition d’un grand nombre de dealers pour 20 euros la nuit. C’est à cette adresse que les substances illégales étaient préparées et cachées à l’abri des regards avant que les dealers assurent leur vente dans le quartier de la Gare à Luxembourg. Le prévenu Henry P. est poursuivi pour avoir livré quotidiennement les drogues au «G33», soit un total estimé à 14 kg de cocaïne pure entre le 2 juillet et le 26 octobre 2015. Le jour de son arrestation, il avait 793 g de cocaïne et 55 000 euros à son domicile à Athus (B).
Enfin, sur le banc des prévenus, se trouvaient 18 revendeurs de drogues. Ils avaient tous été condamnés à six ans de réclusion et à une amende de 1 000 euros. Huit d’entre eux ont pu bénéficier d’un sursis de deux ans.
Ils contestent l’association criminelle
«La peine est trop lourde pour moi. Je n’ai rien vendu pour personne. J’ai tout fait pour moi-même.» Les premiers prévenus entendus lundi après-midi par la Cour d’appel ont clamé leur innocence et déclaré avoir agi pour leur propre compte. «La sanction est trop lourde. Depuis onze mois, je n’ai plus de nouvelles de ma famille, ma femme et mes enfants…», poursuit un autre des 18 présumés revendeurs. Quelques instants plus tôt, il avait annoncé : «J’aimerais m’excuser pour le fait que j’ai vendu de la drogue au Luxembourg.» La police l’avait observé 47 fois en l’espace de trois mois en train de vendre de la cocaïne. «On m’a photographié, mais je n’ai pas fait chaque fois un échange de drogue», s’est-il défendu.
Comme lors du procès de première instance, les débats tourneront visiblement autour de la question de savoir si les prévenus ont commis les infractions au sein d’une organisation criminelle. Une circonstance aggravante qui a son importance au moment de la détermination de la peine.
Dans son jugement, le tribunal correctionnel a en effet retenu qu’«il a été établi à l’exclusion de tout doute que les prévenus ont été membres affiliés à l’association et qu’ils ont eu connaissance de l’existence du groupement organisé et de son but criminel.» «Il semble que cette organisation ait été en mesure d’exercer une pression assez forte sur les membres afin que ceux-ci ne dévoilent rien permettant l’identification des dirigeants de l’association criminelle, de ceux qui les ont recrutés ou qui ont fourni la drogue», ont argué les juges.
L’audition des 21 prévenus par la Cour d’appel prendra encore un certain temps. La première audience, lundi, a tout juste permis d’entendre les deux premiers. Une dizaine d’audiences sont prévues pour ce procès qui doit s’étirer jusqu’à mi-novembre. Suite du procès mercredi après-midi, à 15 h.
Fabienne Armborst
Au début de la première audience devant la Cour d’appel, le nouvel avocat de Joseph E., Me Ahmed-Boudouda, a demandé que les débats se déroulent à huis clos de sorte que la presse n’assiste pas au procès. Le représentant du parquet général a vite balayé l’argument de la défense rappelant que le huis clos est entre autres utilisé dans les affaires de viol avec mineurs. Quelques instants plus tard, la Cour d’appel a déclaré la demande de la défense non fondée : «Il n’y a ni danger pour l’ordre public ni danger pour les mœurs.»
Me Roby Schons, à la défense de deux autres prévenus, a, quant à lui, demandé l’annulation du jugement de première instance. Son argument : les condamnés avaient jusqu’au 18 avril pour interjeter appel. Mais la traduction du jugement de première instance ne leur a été notifiée que le 27 avril, donc après l’expiration du délai d’appel. «Ils ont été obligés d’interjeter appel sans connaître la motivation du tribunal», souligne-t-il. Tout en demandant l’annulation du jugement, Me Schons a demandé que l’affaire soit renvoyée devant une chambre correctionnelle avec une autre composition. Le tribunal a décidé de joindre l’incident au fond.