Dents, couronnes, gourmettes, bagues… Trois fossoyeurs comparaissent jeudi à Bobigny en France pour avoir prélevé de l’or sur des squelettes enterrés au cimetière de Pantin, une pratique macabre selon eux « habituelle » dans la profession.
26 novembre 2012, 2H40 du matin. Remarquant la présence de deux hommes équipés de gants, de lampes frontales et d’une barre à mine, des policiers les contrôlent à proximité de ce cimetière de Seine-Saint-Denis, propriété de la Ville de Paris. Sur l’un d’entre eux, fossoyeur, ils découvrent un petit sac contenant onze dents en or recouvertes de terre fraîche. Dans sa voiture, d’autres dents, des bijoux et une balance électronique.
Placé en garde à vue, cet homme aujourd’hui âgé de 35 ans reconnaît avoir arraché des dents sur une mâchoire lors d’un « creusement » destiné à nettoyer une tombe abandonnée, selon une source proche de l’enquête. Dans les jours qui suivent, cinq autres salariés du cimetière parisien sont eux aussi placés en garde à vue. In fine, trois fossoyeurs et un complice présumé seront renvoyés devant la justice.
Il revendait les dents à des boutiques parisiennes
Le fonctionnaire interpellé en pleine nuit est soupçonné d’avoir organisé un véritable trafic, en revendant à des bijouteries parisiennes, pour son compte et celui de ses collègues moyennant commission, les objets précieux trouvés dans les tombes. Il est poursuivi pour violation de sépulture – il est accusé d’avoir ouvert des caveaux la nuit de son interpellation – et vol aggravé.
Entre 2009 et 2012, cet homme qui avait, selon ses collègues, « toujours sa balance sur lui », aurait touché plus de 10 000 euros en vendant les dents trouvées dans les tombes. Ses deux ex-collègues, âgés de 47 et 61 ans, seront quant à eux jugés jeudi uniquement pour vol aggravé: ils affirment s’être servis au moment où ils nettoyaient, à la demande de leur hiérarchie, les concessions « tombées en déshérence », dont la propriété revient à la Ville de Paris, seule partie civile dans ce procès.
« Il ne s’agit pas de vol » selon les avocats
« Les dents en or sont les dernières choses qui restent, avec les ossements, dans les sépultures anciennes. Les récupérer au moment du nettoyage des tombes abandonnées est une pratique habituelle des fossoyeurs », affirme Yves Crespin, avocat du principal prévenu. A ses yeux, « il ne s’agit pas de vol » – « soustraction frauduleuse de la chose d’autrui », selon la définition pénale. « Mon client reconnaît avoir pris des dents qu’il considérait comme des objets abandonnés, qui n’appartiennent à personne », dit-il. La Ville de Paris « n’a d’ailleurs aucun droit » sur ces objets, selon lui.
« Il y a un protocole au moment du nettoyage des concessions » abandonnées, explique son confrère Frédéric Beaufils, qui défend un autre prévenu. « Les fossoyeurs doivent être deux. Les objets retrouvés sont consignés dans une petite boîte et envoyés au Père Lachaise pour incinération ». Mais, lorsqu’ils rouvrent les caveaux pour préparer un enterrement, ils peuvent trouver d’autres objets encore. « Et là, il n’y a pas de consigne. Les récupérer, c’est quelque chose que tout le monde fait », affirme l’avocat, qui estime lui aussi qu’il ne s’agit pas, juridiquement, de « vol ». Contactée par l’AFP, l’avocate de la mairie de Paris n’a pas donné suite.
En 2000, sept fossoyeurs avaient été condamnés par la cour d’appel de Montpellier (Hérault) à deux ans de prison, dont deux mois ferme, pour « violations de sépultures, vols et atteintes à l’intégrité des cadavres ». Plus récemment, en 2013 quatre autres ont été mis en examen par un juge lyonnais pour avoir volé des bijoux et des dents en or sur des cadavres et récupéré des stèles pour les revendre.
Le Quotidien/AFP