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Dealer extorqué à Differdange : jusqu’à 18 ans ferme requis en appel


"A qui la faute si un sursis n'est plus possible", leur a rétorqué le représentant du parquet général. (photo illustration AP)

Le parquet général a requis hier la confirmation des lourdes peines contre cinq hommes poursuivis pour avoir extorqué un dealer et séquestré son ami.

« Ce n’est pas parce que la victime est un dealer qu’on peut dire que ce n’est pas grave si elle a été menacée, extorquée, séquestrée… Ce n’est pas non plus parce qu’ils ont volé de la marijuana qu’il n’est pas une victime.» En entamant son réquisitoire hier après-midi, le représentant du parquet général a donné le ton. «Vous ne pouvez pas dire que parce qu’ils s’en sont pris à un dealer ils doivent avoir des peines moins lourdes», a-t-il lancé pour battre en brèche le raisonnement des avocats.

Les premiers faits pour lesquels les cinq hommes (âgés de 28 à 34 ans) ont été condamnés en première instance remontent au 29 décembre 2014. Trois fois en l’espace d’un mois, le dealer avait été visité dans son appartement à Differdange. Armés d’un pistolet ou d’un couteau, les agresseurs lui auraient notamment soustrait 2 kg de marijuana, 30 000 euros en liquide et des sacs Gucci et Louis Vuitton… La dernière fois, ils s’en étaient même pris à son ami de 24 ans qui promenait son chien. Ils l’avaient embarqué dans une VW Golf, frappé, blessé de deux coups de couteau dans la jambe, puis sur la banquette arrière, avec le couteau sous la gorge, ils l’avaient forcé à appeler son ami pour lui annoncer leur arrivée…

«Cet ami, ce n’était pas un dealer de marijuana. C’était bien une victime normale…», notera le représentant du parquet général dans sa passe d’armes avec la défense.

À la barre de la Cour d’appel, les cinq prévenus, à l’exception de José M., qui, lui, clame son innocence, s’étaient plaints des lourdes peines. «À qui la faute si un sursis n’est plus possible», leur a rétorqué le représentant du parquet général en rappelant que leur casier judiciaire date, pour la plupart d’entre eux, de l’époque où avec leur groupe d’origine capverdienne, ils ont terrorisé le sud du pays avec leurs bagarres.

Considérant qu’il n’existe aucune circonstance atténuante dont pourraient jouir les prévenus Goma, Sandro S. et José M, le parquet général a requis la confirmation des 18 ans de réclusion. Une peine que les premiers juges avaient notamment motivée par la «gravité intrinsèque des faits, la grande énergie criminelle et leur absence d’introspection et de repentir sincère». Si en première instance José M. (à la différence de Goma et Sandro S.) avait bénéficié d’un sursis de dix ans, un mandat d’arrêt européen portugais parvenu entre-temps au parquet général semble avoir changé la donne. Les mots du parquetier étaient clairs : «Un sursis légal n’est plus possible.»

«Je fais mon travail, monsieur!»

La peine de sept ans ferme de Kevin D., celui qui selon les premiers juges «assume ses responsabilités sans essayer de rejeter sa responsabilité sur l’un des coprévenus», serait aussi à confirmer. «Ce n’est pas un ange comme il prétend l’être depuis quatre ans», a appuyé le parquetier en citant deux affaires qui sont passées entre les mains des juridictions.

Le seul qui, de l’avis du ministère public, peut bénéficier d’une peine moins lourde est David D. : «C’est le seul qui n’a jamais été condamné pour coups et blessures volontaires et le seul qui depuis 2015 n’a eu aucune affaire.» Bref, l’homme qui avait écopé de huit ans (dont quatre avec sursis) en première instance ne devrait pas prendre une peine plus sévère que celle de Kevin D. Pour le sursis, il se rapporte à la sagesse de la Cour.

Ce lourd réquisitoire n’aura pas laissé indifférents les hommes sur le banc des prévenus. «Des peines comme ça…», a ainsi lancé lors de la suspension d’audience José M. en agitant sa main près de sa tête pour dénoncer l’absurdité de la peine. Le représentant du parquet général, à qui ces gestes n’auront pas échappé, lui a riposté du tac au tac : «Je fais mon travail, monsieur!»

«Je suis innocent. J’espère que justice sera faite», insistera José M. au moment du dernier mot face à la Cour d’appel. Avec Goma qui, lui, purge une peine à Arlon, c’est le seul des cinq prévenus qui se trouve actuellement en prison. Prononcé le 3 juillet.

Fabienne Armborst