Depuis jeudi, le principal prévenu des homicides de Leudelange et du Fräiheetsbam a la parole devant la chambre criminelle. Le ton est monté plus d’une fois lors de cette audition. Comme le coprévenu Alden S. la veille, Lee K. a défendu sa version bec et ongles.
À part pour le fait que le dealer nigérian a pris le train pour aller chercher 5 g de cocaïne à Lamadeleine, qu’ils étaient assis dans la même voiture lorsque ce dernier a été tué d’une balle dans la tête, et que le cadavre a ensuite été déposé dans la forêt entre Leudelange et Schléiwenhaff, les prévenus Lee K. (36 ans) et Alden S. (24 ans) se renvoient la balle. Personne ne veut avoir appuyé sur la détente du pistolet Walther P99 le 9 novembre 2016 au soir. Lee K. est, en outre, poursuivi pour avoir tué la prostituée retrouvée sur le parking du Fräiheetsbam quatre jours plus tard.
«C’est une affaire terrible. Personne n’a le droit de prendre la vie à quelqu’un. Aujourd’hui, je dois vivre avec le fait que deux personnes ont été tuées avec mon arme. Mais je ne peux vivre avec le fait que c’est moi qui les aurais tuées…», a débuté Lee K., jeudi après-midi, à la barre après avoir vérifié que le micro fonctionnait bien. Au cours des débats, il avait annoncé qu’il en aurait des choses à raconter…
«Ce ne sera pas qu’un speech de votre part. Il y aura aussi des questions», a tenu à lui rappeler la présidente de la 13e chambre criminelle en début de cette 14e audience. Ce n’était que le début de la passe d’armes par moments plus corsée.
«Je vous parle comme cela me passe par la tête», s’est défendu Lee K. quand la présidente l’a invité à parler normalement sans tout son théâtralisme. Et il lui a vite fait comprendre qu’il avait certaines exigences : «J’exige de vous des preuves, pas seulement des indices et des suspicions!»
«Si j’avais tué quelqu’un…»
Parmi les nombreux indices récoltés dans ce dossier, il y a la trace de sang bien particulière au niveau de la jambe gauche de son jean. D’après l’expertise, le porteur ne pouvait pas se trouver sur le siège conducteur. Il devait donc se trouver sur la banquette arrière et être, par conséquent, l’auteur du tir.
Or pour Lee K., tout cela n’est que de la théorie. Car il ne pourrait faire confiance ni au mannequin ni au policier qui ont reconstitué la scène en prenant la place du dealer tué. Qui sait s’ils ne se sont pas correctement laissés tomber?
«Je sais qu’au moment du tir, j’étais au volant. Je réclame donc une troisième expertise où je me chargerai de prendre la place de la victime», a-t-il martelé. Il n’aurait pas pu freiner, sinon la voiture derrière lui serait rentrée dedans.
Avant d’être arrêté le 16 novembre 2016, Lee K. avait parlé à deux hommes du dealer retrouvé mort. «Si on en croit ce que les deux témoins ont déclaré, ce sont des éléments à charge conséquents», lui a donné à considérer la présidente. L’un avait aussi déclaré avoir reçu une photo avec l’arme et le pantalon ensanglanté, l’autre avoir vu l’arme et le silencieux dans la voiture de Lee K. lors d’une rencontre devant un magasin de meubles à Strassen. Or, hier, Lee K. ne se rappelait de rien de tout cela. Il les a qualifiés de «menteurs». Et d’insister : «Est-ce que vous avez trouvé son ADN dans ma voiture?»
Si c’est Alden S. qui a tiré, comme il le prétend, pourquoi n’avait-il donc pas appelé la police? «Je sais que c’était une erreur», mais à l’époque cette démarche lui aurait paru impossible. Car le dealer avait été tué en sa présence, avec son arme et dans sa voiture. «Si j’avais tué quelqu’un, j’aurais enlevé toutes les traces, brûlé la voiture, élimé l’arme… Mais je savais que je n’étais pas coupable», appuiera-t-il encore.
«Des SMS idiots»
«Je n’ai pas entendu grand-chose qui infirme les éléments objectifs du dossier», finira par constater la présidente. Interrogé enfin sur certains SMS que l’analyse de son portable avait mis au jour, il ne se montrera pas très bavard non plus. Il ne se souvient plus d’avoir rédigé, le 9 novembre au soir, le message : «T’as envie d’aller tuer quelqu’un?»
Le vendredi 11 novembre, il avait écrit à Alden S. : «Pourquoi vas-tu travailler pour quelque 10 euros? Viens avec moi pour quelque 1 000 euros.» Mis à part, «À l’époque, j’ai écrit beaucoup de SMS idiots», Lee K. n’en dira pas plus. À la question de savoir comment il espérait faire ces 1 000 euros, il a de nouveau dit ne pas s’en souvenir. La fin de l’audience avait sonné. Mais la présidente lui a donné une nouvelle chance : «Vous pouvez réfléchir jusqu’à demain (NDLR : vendredi). Peut-être, d’ici-là, aurez-vous une autre réponse…»
Fabienne Armborst
Tous nos articles sur ce procès : ici