Depuis son arrestation, le prévenu Joël C. nie avoir participé au braquage mortel au City Concorde en 1997. Mercredi à la barre, il l’a répété haut et fort.
« Si c’était moi, je vous le dirais. » La position du prévenu Joël C. n’a pas changé. Depuis son identification, le Français conteste avoir mis les pieds au Grand-Duché le 24 juin 1997. La présence de son ADN sur un pull bleu, un jean et une barbe postiche, il l’explique par le fait qu’il avait passé son sac à dos à un certain Michel quelques semaines auparavant… «Dans ce sac, il y avait les fringues et le postiche que j’avais essayé pour le peigner…», précisait-il à la barre de la 13e chambre criminelle.
1997, c’est l’époque où Joël C. raconte avoir travaillé dans le cinéma. Pour se faire un peu d’argent en plus, il aurait acheté des perruques dans une rue près du boulevard de Strasbourg à Paris. Des perruques qu’il aurait ensuite revendues à des gens qui ne voulaient pas se faire repérer par les caméras.
« Il voulait encore des perruques »
«Pourquoi avoir prêté vos objets ? À l’époque, vous aviez déjà un casier et plusieurs condamnations. Ce n’était pas non plus la période de carnaval…», creuse la présidente.
C’est via un ami (la chambre criminelle n’en obtiendra toutefois pas le nom) que le prévenu dit avoir fait la connaissance de ce Michel. Après qu’il l’aurait aidé à changer un million de francs et qu’il lui aurait vendu deux perruques, ce dernier se serait de nouveau présenté chez lui un dimanche de juin. «Il voulait encore des perruques.» C’est alors qu’il lui aurait passé le postiche qu’il avait déjà mis…
Des explications qui n’ont visiblement pas convaincu la chambre criminelle : «Pourquoi passer des perruques à une personne dont vous soupçonnez qu’elle fait des choses illégales ?»
– «Je travaillais. Je ne me faisais pas de souci. J’espérais qu’il me ferait changer de l’argent comme il l’avait fait la première fois. Cela m’aurait fait gagner un petit billet…»
«Je ne connais pas l’affaire au Grand-Duché, juste ce que m’a dit Michel, insiste Joël C. Deux hommes ont désarmé le convoyeur. Michel, qui était le chauffeur dans la voiture, a dit avoir tiré deux fois. Parce qu’il a cru qu’il était encore armé…»
Après avoir passé le sac à Michel en juin 1997, il ne l’aurait plus jamais vu… jusqu’en 2001 : «C’est la vie. Il y a des gens qu’on ne revoit plus.»
Il n’y a pas que les traces ADN qui relient Joël C. au braquage au City Concorde en 1997. Il y a également les déclarations de deux ex-complices. La chambre criminelle n’a pas manqué de l’y confronter. Joël C. a coupé court : «René s’est carrément trompé. Il a confondu avec une autre affaire.» Pour le second comparse, l’explication est un peu plus compliquée. Ce dernier lui en aurait voulu. Mais il est vrai que lors d’une suspension d’audience aux assises en France en 2001, il lui aurait dit avoir «vendu une perruque à un mec qui a tiré sur un convoyeur de fonds».
«En prison, on parle de n’importe quoi»
«Pourquoi parler de cela, alors que c’est une affaire qui ne vous concernait en rien (NDLR : Joël C. a été identifié en 2011) ?», intervient la présidente.
– «En prison, on ne parle que d’affaires de la vie des voyous. On est enfermés 24 h/24. Quand on parle, on parle de n’importe quoi.»
Qu’il ait déjà passé de longues années derrière les barreaux, Joël C. ne le cache pas : «J’ai toujours revendiqué : s’il n’y avait pas une aussi grande discrimination entre riches et pauvres, il n’y aurait pas des Joël C. !» L’homme qui suit son procès les pieds entravés et dont le casier judiciaire renseigne de multiples condamnations – 67 ans de prison au total sans compter les années de sursis – parle cash : «Je ne suis pas le mec à faire le clochard. Il y a des gens qui ont du pognon…» Il cite l’exemple de banques, postes, supermarchés… «Je reprends ce qu’ils nous doivent.» Et de souligner : «Quand j’ai un travail, je ne fais pas le con.»
Le parquet avait lui aussi préparé son lot de questions. «En 2015, lors de votre troisième interrogatoire, vous avez déclaré une première fois que Michel avait commis le braquage. Pourquoi, s’il est mort en 2003, vous n’avez pas, lors de votre première audition à la police en 2011/2012, dit ‘Halte, ce n’est pas moi’ ?»
Sa réponse : «Je savais que j’étais innocent. En 1997, je savais que j’étais en chantier extérieur (NDLR : un régime sous lequel un condamné est employé en dehors de la prison à des travaux contrôlés).»
Suite de l’audition ce jeudi après-midi.
Fabienne Armborst