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Belval Plaza : le procès des millions détournés


Le parquet reproche au dirigeant de Multiplan d'avoir détourné l'argent qui lui avait été mis à disposition afin d'acquérir des terrainssur les anciennes friches industrielles de Belval et d'y développer les trois projets principaux de Belval Plaza I, Belval Plaza II et Belval Plaza Tower. (illustration Didier Sylvestre)

Abus de confiance, banqueroute frauduleuse, blanchiment d’argent… La liste des infractions reprochées au dirigeant des sociétés Multiplan, engagé dans la réalisation du projet Belval Plaza I, II et Tower est longue. Le parquet lui reproche d’avoir détourné environ 25 millions d’euros au préjudice de plusieurs sociétés.

« Comment expliquez-vous que plus de 20 millions d’euros ont été retirés du compte de Multiplan et ont atterri sur votre propre compte ? » Plus d’une fois le président de la 12e chambre correctionnelle a dû reformuler sa question mardi matin. Le prévenu Cornelis V. E. (67 ans) est souvent resté évasif. Dès l’ouverture du procès, le dirigeant des sociétés Multiplan a dit ne pas être d’accord avec tous les reproches. Il aurait toujours eu de l’aide de grosses firmes, il n’aurait jamais été seul… Le tout aurait commencé avec un prêt en 2004. Mais le tribunal n’en saura pas plus. «Ce n’est pas le moment d’en parler», a lâché le prévenu. Les sommes que le parquet reproche au dirigeant de Multiplan d’avoir détournées pour des investissements privés s’élèvent à plusieurs millions.

Le 19 février 2009, il est question d’un virement de 950 000 euros, le 19 mars 2009 de 571 800 euros et 814 700 euros et le 25 mai 2009 de plus de 17 millions. Toutes ces sommes d’argent auraient été transférées vers son compte privé.

Pas toujours facile de garder une vue d’ensemble entre tous ces flux financiers. Mais le tribunal a fini par poser une question très concrète au prévenu. «Pourquoi Multiplan a dû acheter un avion et un hélicoptère ? Qu’est-ce que cela avait à voir avec le Belval Plaza ?» La réponse du prévenu : «En 30 mois, on a dû réaliser les projets au Luxembourg. Mais il n’y avait pas assez de monde pour faire les travaux. Voilà pourquoi on a envoyé des gens de Francfort, Hambourg…» L’enquête révèlera 574 départs et arrivées de l’avion Beechcraft à l’aéroport de Luxembourg entre octobre 2007 et septembre 2009. L’hélicoptère n’a quasiment jamais atterri au Grand-Duché, mais aurait été utile pour des trajets aux Pays-Bas. «C’était pour les objectifs de la société», insiste le prévenu.

«Il faudrait que vous vous posiez la question de savoir si vous n’avez pas fait ce que vous vouliez avec l’argent de Multiplan», a fini par lui lancer le président.

– «J’avais des projets à réaliser en 30 mois. Dans cadre de ce business c’étaient les bonnes décisions.»

Des frais de vin, d’art, de voiture, d’hôtel…

Et les frais de vin chiffrés à 29 000 euros ? «C’est le cas classique de l’abus de bien sociaux», soulève le président. Selon le prévenu, là encore, la livraison aurait été réalisée dans l’intérêt de Multiplan. Car un certain nombre de personnes au Luxembourg auraient reçu une caisse de vin à la fin de l’année. Le hic c’est que le vin n’a pas été livré au siège de Multiplan au Kirchberg, mais au domicile privé du prévenu aux Pays-Bas.

Parmi les frais qui n’ont rien à voir avec l’objet social de la société que l’enquête a mis au jour, il y a encore les 330 000 euros d’œuvres d’art, les 77 000 euros de la Mercedes immatriculée aux Pays-Bas, les 25 500 euros de frais d’hôtels à Nice… Tous des frais qui ont également été payés par Multiplan. Mais pour lesquels il n’y a pas de factures. «J’avais des délais à respecter, 120 personnes qui travaillaient… j’avais d’autres priorités que les factures…», s’est défendu le prévenu.

«Qu’est-ce que vous avez gagné avec le projet Belval ?», voulait enfin savoir le tribunal du sexagénaire qui vit actuellement à Zurich en Suisse. «Le projet n’a rien donné. Donc rien.» Au contraire il aurait beaucoup perdu, affirme-t-il.

Au total neuf audiences sont prévues pour ce procès. L’homme d’affaires est aussi poursuivi pour défaut de publication des bilans et défaut d’autorisation d’établissement. Il aurait exercé notamment l’activité de promoteur immobilier à travers cinq de ses sociétés Multiplan sans être en possession d’une autorisation écrite du ministre compétent. Une quinzaine de témoins seront entendus. «Les montages financiers sont une des grandes problématiques dans ce dossier», a laissé entendre le parquet en passant en revue sa liste de témoins. Suite du procès ce mercredi après-midi.

Fabienne Armborst