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Bébé secoué : le père acquitté


Complètement désemparée, la jeune mère avait fini par secouer son fils d'un mois. Le mois suivant, le père avait fait pareil. (illustration Editpress)

La mère, quant à elle, bénéficie d’une suspension du prononcé. Ce qui signifie que sa culpabilité a été constatée, mais qu’aucune peine n’a été prononcée.

«On ne naît pas parent, on le devient. Chez moi, cela a duré un peu plus longtemps.» C’est avec des larmes dans la voix que la prévenue avait reconnu, devant la 9e chambre correctionnelle, avoir secoué son bébé : «Je ne voulais certainement pas cela. Mon enfant signifie tout pour moi.» « Je ne savais pas comment m’aider », avait, par ailleurs, raconté la jeune mère, âgée aujourd’hui de 31 ans, qui ne cache pas avoir été surmenée. Comme son compagnon, elle était poursuivie pour coups et blessures volontaires.

Les faits remontent à fin 2015. Ils sont jeunes, 29 ans au moment des faits. L’accouchement s’est avéré compliqué. De retour dans leur petit appartement, le nourrisson souffre de coliques et pleure souvent. Complètement désemparée, la mère finit par secouer son fils d’un mois. Le mois suivant, le père fait pareil. Lui non plus ne conteste pas avoir secoué le nourrisson. C’était le 12 novembre. Ce jour-là, sa compagne était partie faire les courses. Au moment du biberon, il aurait retrouvé son fils totalement convulsionné dans son lit. Il dit avoir d’abord tenté de le ranimer avec de l’eau, puis à l’air frais. Comme cela n’aurait rien donné, il l’aurait secoué. Par panique, dit-il : «Je voulais aider mon fils.»

La petite victime était arrivée dans un «état comateux» à la Kannerklinik. Elle souffrait d’hémorragies rétiniennes et d’hématomes sous-duraux. «Ce sont des blessures typiques du syndrome du bébé secoué», avait conclu le médecin légiste. Selon lui, on peut expliquer de façon plausible que l’hématome sous-dural plus ancien diagnostiqué ait provoqué les convulsions. Malgré toutes ces séquelles, le nourrisson s’en est sorti. Il est resté hospitalisé pendant deux semaines avant d’être placé, dans un premier temps, dans une famille d’accueil. Entretemps, les parents ont récupéré leur enfant. L’une des conditions étant qu’il fréquente une crèche une fois par jour. La famille est également suivie.

Un euro pour la partie civile

«Le jeune couple a agi par inexpérience et panique. Ce n’était pas volontaire», avait estimé la défense des prévenus, qui demandait de requalifier les faits en «coups et blessures involontaires». L’avocat était d’avis que, compte tenu de ses aveux et de son repentir, la mère pourrait bénéficier d’une suspension du prononcé. Le père, quant à lui, devrait être acquitté.

Le parquet avait toutefois fait entendre un autre son de cloche. «L’enfant n’a pas arrêté de pleurer. C’est souvent l’explication qu’on donne dans de tels dossiers. Mais ce n’est pas une excuse!», avait martelé le premier substitut, en demandant au tribunal de retenir les «coups et blessures volontaires» : «Le fait de prendre l’enfant par les aisselles, de le secouer et de voir sa tête se balancer violemment d’avant en arrière, c’est clairement un geste volontaire.» La représentante du parquet avait encore parlé d’un «geste dramatique et grave».

Pour la détermination de la peine, elle demandait néanmoins de prendre en considération que le jeune couple n’a pas d’antécédents judiciaires et qu’il a immédiatement collaboré. «Et le plus important dans cela, c’est que l’enfant va bien», avait-elle souligné. Le parquet avait requis deux ans de prison et une amende contre la mère et un an et une amende contre le père. Étant donné que le couple a exprimé son repentir, il ne s’opposait pas à un sursis intégral.

Le tribunal n’a pas du tout suivi ces réquisitions. Il a rejoint les plaidoiries de la défense. Mercredi après-midi, le père a en effet été acquitté. Et pour la mère, le tribunal a ordonné la suspension du prononcé pour une durée de trois ans. Ce qui signifie que sa culpabilité a été constatée, mais qu’aucune peine n’a été prononcée. Enfin, à la partie civile, elle doit toutefois verser le montant d’un euro. Pour rappel, l’avocate représentant la victime dans cette affaire réclamait 25 000 euros au titre du préjudice moral.

Toutes les parties ont 40 jours pour interjeter appel.

Fabienne Armborst