Un bon paysan, dit-on, se lève avec les poules et se couche après elles. Mais si ses poules sont entassées 24 heures sur 24 dans des entrepôts sous lumière artificielle ? Logiquement, il ne peut plus être un bon paysan. Il devient un rouage de l’agro-industrie. Ainsi va le monde rural.
Pourtant, dans le petit Grand-Duché, l’agro-industrie se sent parfois à l’étroit. Prenons les poulets, justement. On en importe beaucoup et produit peu. Et souvent, les petits producteurs nagent à contre-courant. C’est le cas de Tom Kass. Dans sa ferme biodynamique de Rollingen, ses poules vivent dans le luxe. Parce que Tom a fait un pari : «Au Luxembourg, certains fermiers veulent se mettre sur le même niveau que le marché mondial. C’est idiot ! Vu qu’on ne peut pas faire de la quantité, faisons de la qualité», nous disait-il un jour.
Vision audacieuse. Mais si cette filière qualité prend de l’essor, elle reste marginale. Car le consommateur voudrait bien manger local et bio, mais une fois devant le poulet «exotique» à prix cassé, son portefeuille lui fait les yeux doux. Même si ce poulet insipide est élevé dans de vrais camps de concentration.
Des éleveurs locaux veulent donc faire un autre pari : faire de la quantité… mais à la sauce luxembourgeoise. Pour l’instant, ils y perdent des plumes. Jeudi, c’était déi Lénk qui dénonçait un projet d’élevage industriel de poulets à Weiler : près de 16 000 volatiles devraient s’installer dans une zone Natura 2000, avec des poussins originaires de France, une nourriture principalement étrangère et un abattage en Belgique. Pas très «qualité régional» dénonce la Gauche. Ce n’est pas la première fois qu’un tel projet est pointé du doigt. D’autres éleveurs, alors même qu’ils promettaient pour leurs poulets une alimentation sans OGM et une durée d’élevage supérieure aux standards, se sont vu adresser un carton rouge à cause du caractère industriel de leur projet.
Faut-il blâmer ces éleveurs ? Leurs projets ne sont certes pas la panacée. Mais puisque la recette de la qualité à prix discount reste à inventer, et que le consommateur a les yeux plus gros que le ventre, faire de la quantité «made in Lux» n’est-il pas un moindre mal ?
Romain Van Dyck