L’arrêt d’un nouveau réacteur, jeudi, est le dernier épisode d’une série noire pour le parc nucléaire de Belgique, où seuls deux des sept réacteurs fonctionnent.
La centrale de Tihange (trois réacteurs) est désormais totalement à l’arrêt, et à Doel, près d’Anvers (nord), l’autre centrale de Belgique, seulement deux des quatre réacteurs tournent, ne produisant que 1 400 mégawatts alors qu’en plein régime, la Belgique devrait pouvoir fournir 5 700 megawatts en énergie nucléaire.
Electrabel envisage «à ce stade» de redémarrer Tihange 3 dans la nuit de vendredi à samedi, selon un communiqué. «Il n’y a jamais eu de danger pour les environs, les employés ou la centrale» et «il n’y a pas de souci pour la sécurité d’approvisionnement en Belgique, car on dispose d’un parc de production diversifié», a assuré une porte-parole, Geetha Keyaert.
Mais les résultats financiers d’Engie souffrent des problèmes rencontrés par le parc nucléaire belge, au point que plusieurs médias lui ont prêté fin juin l’intention de sortir du capital d’Electrabel par le biais d’une introduction en Bourse. Son PDG, Gérard Mestrallet, a répondu que «la question ne peut être à l’ordre du jour aujourd’hui, puisque sur le nucléaire en Belgique, nous avons quelques petits sujets importants» à régler au préalable.
Certaine nonchalance des employés
L’activité est plombée par l’arrêt depuis plus de quinze mois de deux réacteurs, Doel 3 et Tihange 2, après la découverte de milliers de microfissures dans leurs cuves à l’été 2012, en vue de réaliser des tests supplémentaires. Engie a estimé que leur «non-fonctionnement» privait son résultat net d’environ 40 millions d’euros par mois depuis mars 2014. Le redémarrage de ces deux réacteurs est attendu au plus tôt en novembre, mais est conditionné à un avis de l’AFCN, qui consulte depuis plusieurs mois des experts indépendants dans le monde entier et pourrait très bien demander une nouvelle batterie de tests.
La centrale de Tihange avait déjà fait parler d’elle la semaine dernière, lorsque le gendarme belge du nucléaire avait épinglé Electrabel pour «une répétition d’incidents» sans gravité «liés au non-respect des procédures techniques», révélant une certaine nonchalance, voire une négligence de certains employés par rapport au très strict processus dans ce domaine hautement sensible.
Sabotage à la centrale de Doel
L’AFCN a communiqué à la justice trois cas d’infractions aux procédures, retiré leur habilitation à travailler sur le site à quatre employés et enjoint Electrabel de proposer une nouvelle formation aux règles de sûreté aux 1 000 personnes travaillant sur le site.
L’arrêt non programmé de Tihange 3 survient un an après le sabotage d’un des réacteurs de Doel, le 5 août 2014, qui a entraîné une importante fuite d’huile de graissage – 65 000 litres en une demi-heure – et grièvement endommagé la turbine à vapeur. Le parquet fédéral, saisi de la plainte contre X déposée par Electrabel, n’exclut aucune piste. Selon les médias, les enquêteurs vont soumettre une quarantaine d’employés du site au détecteur de mensonge alors que plusieurs manipulations volontaires de boîtiers et cadenas ont été constatées.
Un plan de délestages contre un «black-out»
Ce n’est que le 21 décembre 2014, et après une réparation ayant coûté 30 millions d’euros, que le quatrième réacteur de la centrale a pu redémarrer.
À l’automne dernier, afin de prévenir tout risque de «black-out», le gouvernement et Elia, le gestionnaire du réseau électrique, avaient élaboré un plan de délestage, notamment en cas de grand froid l’hiver, privant tour à tour différentes zones du pays.
En outre, opérant un revirement par rapport à un programme de sortie progressive du nucléaire entre 2015 et 2025, le nouveau gouvernement de droite dirigé par le libéral Charles Michel a décidé de prolonger de dix ans la durée de vie de trois réacteurs : Doel 1 Doel 2 et Tihange 1.