Voilà 25 ans que Natacha Atlas rapproche Orient et Occident à travers sa musique, qu’elle soit electro, pop ou désormais jazz. La chanteuse s’arrête ce mardi soir, à 20h, à Dudelange pour un concert à l’Opderschmelz.
Le public vous a découverte d’abord dans un style electro, puis dans quelque chose de plus world music, voire pop, et désormais jazz. Comment expliquez-vous cette évolution dans votre musique ?
Natacha Atlas : En fait, j’ai commencé à jouer avec des musiciens de jazz depuis l’album Ana Hina, en 2008. J’ai beaucoup apprécié la manière qu’ils ont de travailler, d’autant que la façon d’improviser des jazzmen est assez proche de celle des musiciens de musique arabe. Il y a vraiment là un chemin commun et une ouverture pour des expérimentations communes. Après ça, c’est devenu un groupe composé de musiciens de jazz, même si je faisais de la musique arabe basée sur une musique traditionnelle. C’est d’autant plus intéressant que les musiciens de jazz connaissent très bien la musique et apprennent donc souvent plus vite que des musiciens de rock qui bien souvent ne travaillent qu’à l’oreille. Ça va donc plus vite. Ce qui veut dire que ça demande moins de répétitions et c’est donc moins cher. Et comme il y a de moins en moins de budget pour faire les choses…
En 2010, vous avez donc déjà intégré un peu de jazz dans votre précédent album, « Mounqaliba ». Là, « Myriad Road », c’est 100% jazz. Fallait-il cette rencontre avec Ibrahim Maalouf pour vous faire franchir le pas ?
J’allais de toute façon dans cette direction jazz, mais là, Ibrahim m’a effectivement fait sauter là-dedans les pieds joints. Moi j’y serais probablement allée petit à petit, mais voilà, j’ai dit O.K. et c’est finalement allé très vite.
Quoi, impossible de dire non à un artiste de la trempe d’Ibrahim Maalouf ?
Il y a de ça… et puis la confiance s’est aussi installée très vite. J’avais de toute façon déjà fait une partie du parcours me menant à ça – avec River Man et d’autres morceaux qui touchaient le jazz – c’était donc naturel de terminer ce chemin. J’étais prête pour aller plus loin.
Le jazz est la musique du métissage et c’est difficile de trouver une artiste plus métissée que vous, aussi bien par votre parcours artistique que personnel. C’était donc naturel de tomber là-dedans un jour ou l’autre, non ?
Voilà, c’est tout à fait ça. Ça me semble aussi tout à fait naturel.
« Myriad Road » est chanté en anglais et un peu en arabe. Ça ne vous intéresse plus de chanter en français ?
Ce n’est pas ça, non. J’avais proposé à Ibrahim de chanter aussi en français, mais il m’a dit : « Non, ce n’est pas le moment. » Il voulait vraiment faire cet album en anglais et en arabe. Dès le départ, il m’avait dit que si je voulais vraiment mener à bien ce projet, il fallait que je lui fasse confiance, je lui ai donc fait confiance. Mais ça ne veut pas dire que je ne chanterai plus en français.
Vous êtes née tout près de chez nous, à Bruxelles, mais c’est la première fois que vous venez jouer au Grand-Duché. Comment voyez-vous notre petit Luxembourg ?
Oui, c’est vrai, je n’ai encore jamais joué au Luxembourg. C’est d’ailleurs assez bizarre ! Je ne sais donc pas du tout ce qui m’attend. Je sais que c’est un pays très cosmopolite… mais pour le reste, c’est un mystère pour moi.
Quel est le programme du concert, « Myriad Road », bien sûr, mais quoi d’autre ?
Il va également y avoir quelques morceaux de l’album précédent, Les Nuits, une musique que j’avais faite pour le ballet d’Angelin Preljocaj avec Samy Bishai, le violoniste qui est aussi le chef d’orchestre de mon groupe. Puis, il y aura l’un ou l’autre morceau d’Ana Hina, car j’aime toujours rappeler un peu ce que j’ai fait avant Myriad Road.
Hasard du calendrier, Ibrahim Maalouf est lui aussi passé au Luxembourg il y a quelques jours; dommage que vous n’ayez pas pu venir ensemble. Ça aurait été beau de vous avoir tous les deux sur la même scène.
Oui, c’est vrai. On a fait un concert ensemble au Trianon de Paris, et ça s’est très, très bien passé. C’était vraiment super. Mais Ibrahim a sorti deux albums en même temps. Il a donc aussi son projet personnel, Kalthoum, à présenter. Il est donc très pris par sa propre tournée. Il est jeune et plein d’énergie, il fonce et est partout, c’est génial pour lui, mais moi, même si j’aime être sur la route, je n’ai plus le même rythme, j’aime prendre aussi du temps pour respirer et vivre.
Entretien avec Pablo Chimienti