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[Cinéma] Creation of the Gods : un film béni des dieux ?


Premier opus d'une trilogie, Creation of the Gods se rêve en Seigneur des anneaux à la chinoise. (Photo splendid film gmbh)

La Chine montre depuis des années qu’elle est capable de faire des blockbusters aussi imposants que ceux américains. Creation of the Gods espère être de cette trempe.

Un Seigneur des anneaux à la chinoise : c’est la promesse de Creation of the Gods, premier opus d’une trilogie historique façon blockbuster. Le film, au budget de 223 millions d’euros (autant que le titanesque Avatar) compile les chiffres qui donnent le tournis : une équipe de 9 500 personnes, 438 jours de tournage et 15 000 auditions d’acteurs. Le long métrage «aspire à être un film pionnier dans l’histoire du cinéma chinois en explorant le genre épique mythologique», explique le réalisateur Wuershan. Creation of the Gods relate en effet le début d’une séquence historique réputée en Chine, en l’occurrence la chute de la dynastie des Shang il y a plus de 3 000 ans, adapté d’un roman mythique du XVIe siècle, L’Investiture des dieux.

Lors d’une passation de pouvoir entre père et fils, une malédiction divine s’abat sur le royaume. Un guerrier et un des princes héritiers s’inquiètent des desseins du nouveau roi, manipulé par une femme-démon, et tentent de le combattre. Êtres immortels, créatures fantastiques et affrontements grandioses assurent le spectacle, mais n’allègent pas une intrigue alambiquée de plus de deux heures. Un écueil plutôt courant chez les réalisateurs de superproductions historiques, comme Les Trois Royaumes (de John Woo, sorti en 2008), qui font le postulat, à tort, «que le public étranger connaît déjà l’histoire de la Chine», estime l’Américaine Wendy Su, spécialiste du cinéma chinois.

Fibre patriotique

Aux États-Unis, où il est sorti en septembre, les spectateurs n’ont ainsi «pas du tout compris le scénario», selon la chercheuse à l’université de Californie à Riverside. À l’inverse, les films d’arts martiaux comme Tigre et Dragon (2000), gros succès à l’internationale, sont plus appréciés à l’étranger car «ils reposent sur le langage corporel, il n’y a pas besoin de lire les sous-titres pour comprendre». Mais depuis 2017, année selon elle du début de la guerre commerciale sino-américaine, le «climat nationaliste» imprègne le cinéma et «promouvoir les films à l’étranger n’est pas une priorité», ajoute-t-elle.

Il aspire à être un film pionnier dans l’histoire du cinéma chinois

Les plus grosses réussites des dernières années comme Wolf Warrior (2015) ou La Bataille du Lac Changjin (2021) mettaient en avant une fibre patriotique qui séduit peu, en dehors de Chine. Le blockbuster de Wuershan ne va pas si loin et émet ainsi une légère critique de la vanité des puissants. Il arrive souvent que ce type de grosses productions chinoises ne quittent pas le territoire national, souligne Eric Marti de la société d’analyse d’audience Comscore. Creation of the Gods déroge quelque peu à la règle : il a eu droit à une avant-première dans 144 cinémas français en février dernier, à l’occasion du Nouvel An chinois. Une percée notable pour une production chinoise en France, avec 15 000 entrées en deux jours.

Rentabilité hors norme

Sorti dans douze pays depuis l’an dernier et bientôt en Inde ou en Russie, le film ne fait rien comme les autres, en raison du succès qu’il a connu à domicile : avec 372 millions de dollars de recettes, il était le 21e film le plus rentable au monde en 2023. Une étape supplémentaire dans la conquête chinoise du box-office mondial, selon Eric Marti. En 2020 et 2021, les recettes cinématographiques en Chine ont même détrôné celles des États-Unis, conséquence du covid mais surtout d’une «croissance assez forte» du marché local entre 2014 et 2019, avait-il analysé.

Les États-Unis ont toutefois repris la tête en 2023 avec 9 milliards de dollars de recettes, devant les 7,8 milliards de la Chine, qui détient le record du nombre de salles obscures. «Le marché chinois s’est totalement émancipé» des productions américaines «et réussit des scores extraordinaires avec les films chinois», selon l’analyste. Mais il relevait qu’à l’export, ces cinéastes avaient encore beaucoup à apprendre de leurs rivaux coréens et japonais. Que faut-il attendre alors de Creation of the Gods? Quelque chose en effet proche des films de Peter Jackson avec ces batailles XXL, ces citadelles assiégées, ces humains et ces dieux qui entremêlent leurs destinées. Reste à savoir si le public va suivre et comprendre les références, surtout que deux autres suites sont prévues.

Creation of the Gods I : Kingdom of Storms, de Wuershan.

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