La police retraçait mercredi en Espagne et à l’étranger le parcours des auteurs des attentats sanglants de Catalogne qui préparaient un complot encore plus meurtrier avec une énorme quantité d’explosifs, d’après l’un des inculpés.
Deux des quatre membres encore en vie de la cellule à laquelle la police attribue la préparation des attentats, Mohamed Houli Chemlal, 21 ans, et Driss Oukabir, 27 ans, ont été inculpés mardi pour «assassinats terroristes». Huit autres sont morts, après avoir massacré 15 personnes au total, jeudi et vendredi dernier. Ils en ont tué deux à coups de couteau et écrasé 13 autres en lançant deux véhicules dans la foule: une camionnette sur les Ramblas de Barcelone, une Audi A3 dans la station balnéaire de Cambrils au sud-ouest de la métropole catalane.
Un troisième suspect, Mohammed Aalla, propriétaire de l’Audi, a été placé en liberté sous contrôle judiciaire, les charges contre lui étant minces. Le juge a prolongé de trois jours, pour complément d’enquête, la garde à vue du quatrième, Sahl El Karib, qui tenait un taxiphone (boutique d’appels téléphoniques) à Ripoll, petite ville au pied des Pyrénées où vivaient la plupart des suspects.
Nouvelles perquisitions
La police catalane, les Mossos d’Esquadra, a perquisitionné dans la nuit de mardi à mercredi son taxiphone et un autre appartement «lié aux enquêtes des derniers jours», à Vilafranca del Penedès, à 50 km à l’ouest de Barcelone, a déclaré un porte-parole. L’enquête se prolonge à l’étranger, la plupart des suspects étant marocains et alors que leurs déplacements ont été signalés en Belgique, en Suisse et en France.
Le ministre espagnol de l’Intérieur Juan Ignacio Zoido devait d’ailleurs en parler mercredi à Paris avec son homologue français Gérard Collomb lequel a indiqué que l’Audi A3 utilisée pour l’attentat de Cambrils avait été «flashée» par un radar le samedi 12 août à proximité de Paris, avec quatre personnes à bord. «Nous savions (…) qu’ils étaient venus effectivement en région parisienne, et nous avons transmis ces informations» à l’Espagne, avait déclaré mardi le ministre à la chaîne BFMTV. Les autorités marocaines n’ont pas réagi aux informations de la presse espagnole selon lesquelles plusieurs personnes auraient été arrêtées au Maroc.
Mitraille et détonateurs
Les suspects préparaient un attentat à l’explosif d’envergure contre «des monuments», a raconté au juge Mohamed Houli Chemlal, blessé dans l’explosion mercredi d’une maison où ils accumulaient un arsenal impressionnant, à Alcanar, à 200 km au sud de Barcelone. Au moins 120 bonbonnes de gaz ont été retrouvées dans les décombres de la maison où sont morts deux des conjurés. Une grande quantité de clous pour servir de mitraille ont également été découverts ainsi que des détonateurs et au moins 500 litres d’acétone, de l’eau oxygénée et du bicarbonate –des ingrédients du TATP, un explosif artisanal utilisé par le groupe jihadiste État islamique qui a revendiqué les attentats de Catalogne.
L’un des deux hommes tués dans la maison a été identifié comme l’imam Abdelbaki es Saty, qui aurait endoctriné les jeunes suspects à Ripoll. La police n’a pas encore formellement identifié le deuxième corps qui serait celui de Youssef Aalla, un des frères de Mohammed Aalla, qui se trouvait dans la maison. D’après Mohamed Houli Chemlal, qui a été interrogé en pyjama, des pansements sur les mains, l’imam voulait commettre un attentat suicide. «Il voulait s’immoler», a-t-il déclaré, selon une source judiciaire.
Sous les gravats, la police a aussi découvert un texte manuscrit: «Au nom d’Allah… Brève lettre des soldats de l’État islamique dans la terre d’Al-Andalous (désignation de la partie de l’Espagne sous domination musulmane jusqu’en 1492, ndlr) à l’attention des croisés, des haineux, des pécheurs…».
Mesures de sécurité
A Barcelone, des représentants du gouvernement catalan, de l’État et de la mairie se réunissaient dans la matinée pour voir s’ils devaient prendre des mesures de sécurité additionnelles. La maire de Barcelone, Ada Colau, a été critiquée pour ne pas avoir protégé les Ramblas par des bornes anti-intrusion. Elle a répondu que de telles bornes empêcheraient aussi la circulation des ambulanciers et des pompiers.
Au dernier bilan, 46 blessés dans les attentats étaient encore hospitalisés, dont sept dans un état critique.
Le Quotidien/AFP