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Le vrai-faux réquisitoire contre Edouard Perrin


Le journaliste Edouard Perrin. (photo archives LQ)

Au 7e jour du procès LuxLeaks, le procureur luxembourgeois a reconnu que le journaliste français ne devait pas être sur le banc des accusés… tout en demandant sa condamnation à une amende. Chronique d’un acquittement annoncé.

Le cas du journaliste français Edouard Perrin devrait être la caution de magnanimité du tribunal de Luxembourg dans le procès LuxLeaks. Et pour cause, son dossier, déjà délesté du chef de vol de documents depuis un non-lieu prononcé l’an dernier, s’est fortement dégonflé au fil des audiences. Inculpé comme complice voire co-auteur, Edouard Perrin, auteur de l’émission « Cash Investigation » sur les abus de l’optimisation fiscale au Luxembourg, est notamment poursuivi pour les chefs de violation du secret professionnel et de divulgation de secret d’affaires, uniquement en lien avec l’ex-agent administratif de PwC, Raphaël Halet.

Or ce dernier est revenu la semaine dernière sur ses déclarations au juge d’instruction : les échanges de mails entre les deux hommes montrent que c’est bien Halet qui a contacté Perrin et qui lui a proposé de lui fournir les seize déclarations fiscales de clients de PwC. Et non pas le journaliste qui aurait « orchestré » le vol de documents voire « manipulé » l’ex-employé de PwC.

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Lors de ses réquisitions, le procureur d’Etat adjoint, David Lentz, a reconnu que sans les déclarations de M.Halet, « très à charge », M.Perrin « ne serait pas sur le banc des accusés ». Et pourtant, le représentant du parquet n’y est pas allé de main morte, consacrant de longues minutes à marteler que le journaliste de l’agence Premières lignes avait « franchi la ligne jaune » et n’avait « pas respecté les règles ».

Le procureur tente de combler le vide avec des leçons de morale

Quelle ligne jaune, au juste ? Le procureur a tardé à fournir de réels éléments à charge. Seuls reproches finalement : « Perrin a demandé à Halet de créer la boîte mail d’échange et a défini le mode de consultation pour récupérer le produit des infractions. (…) Et il était tout à fait conscient qu’il s’agissait de documents confidentiels et que Raphaël Halet s’exposait à des poursuites pénales. »

Une boîte mail « morte » (les documents étaient enregistrés dans les brouilons) qui avait été proposée par Edouard Perrin « uniquement pour sécuriser l’échange avec une source qui avait réclamé l’anonymat », a toujours expliqué sa défense.

Des charges plutôt maigres donc, mais suffisantes pour que le ministère public maintienne qu’Edouard Perrin « a transgressé les textes pénaux ».

Ce mardi matin, le procureur n’a en fait pas ménagé sa salive pour combler le vide et tenter d’habiller ces délits supposés du journaliste avec de grandes leçons de morale, appuyées, et distillées à la volée. Florilège : « Dans une démocratie, il y a des règles. » / « Il y a des limites à la liberté d’expression pour éviter de sombrer dans l’anarchie. » / « En agissant ainsi, on dénonce un monde injuste pour en créer un autre. » / « Le journaliste a été beaucoup plus loin que ses collègues. »

Comme si le parquet, à court d’arguments et de preuves, ne voulait pas perdre complètement la face en acceptant tout simplement la relaxe.

Signe ultime de cette incohérence, le procureur a requis une simple amende, sans en définir le montant, tout en ajoutant en guise d’excuse expéditive : « Je félicite Edouard Perrin pour son travail, au service de l’intérêt général, et pour son opiniâtreté. J’ai un grand respect pour les journalistes. » Cherchez l’erreur.

Sylvain Amiotte

La réaction d’Edouard Perrin après les réquisitions

Le journaliste de l’agence Premières lignes s’étonne notamment que le procureur n’ait jamais mentionné l’accord de confidentialité conclu entre Raphaël Halet et son ex-employeur PwC lorsque le cabinet d’audit l’a coincé fin 2014. Accord qui explique selon Edouard Perrin que l’ex-agent de PwC l’ait d’abord « chargé » devant le juge d’instruction avant de modifier sa version durant le procès.

2 plusieurs commentaires

  1. Monsieur « zrinski »,
    Je peux comprendre que vous n’ayez pas assisté au procès, mais votre crédibilité de citoyen exige davantage de prudence (présomption d’innocence) et surtout d’information. Vous sauriez ainsi que M. Perrin n’est pas poursuivi pour les faits de vol, puisque ce volet a fait l’objet d’un non-lieu l’an dernier devant la Chambre du conseil, celle-ci ayant jugé que les charges à son encontre étaient insuffisantes.
    En outre, les éléments du procès montrent, et ce n’est pas contesté, que c’est bien M.Halet, et non M.Perrin, qui a créé la boîte mail ayant servi à l’échange.
    Je ne vois pas le rapport entre cette affaire et la fraude fiscale organisée, punie par les lois, qui doit évidemment faire l’objet de poursuites et de condamnations lorsqu’elle est avérée.
    Espérant vous avoir mieux informé.
    Sylvain Amiotte

  2. Je peux comprendre que Monsieur Amiotte ait des connaissances limitées du droit et une sensibilité idéologique bien ancrée à gauche, mais sa crédibilité journalistique exige un peu plus d’objectivité.

    Monsieur Halet a commis un vol et il a en outre violé le secret professionnel mis à sa charge. Ces infractions ne sont pas contestées. Le fait pour un journaliste de créer une boite mail, même « morte », afin d’aider l’auteur principal à violer son obligation de secret professionnel s’appelle la complicité. Le fait, ensuite, de se saisir en connaissance de cause du produit d’un vol est constitutif d’une infraction de recel. Parler, dans ces conditions, de dossier « vide » et d’absence de preuve ou autres arguments de la part du parquet n’est pas très sérieux.

    Il est également intéressant de voir Monsieur Amiotte demander la relaxe pour un collègue journaliste complice d’infraction pénale, tout en réclamant la condamnation des avocats constituant des sociétés offshore pour leur clients.