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Viols présumés : trois sœurs face à leur père


C'est en raison des SMS échangés entre les filles que le complot du parricide a éclaté au grand jour. (illustration AFP)

Sous prétexte d’avoir été abusées, elles avaient tenté de tuer leur père aux Philippines. Il a échappé au parricide. Mais aujourd’hui, il comparaît pour viols. Les faits sur lesquels se penche, depuis mardi, la 13e chambre criminelle remontent aux années 2006 à 2012.

Aucune des filles ne pouvait s’imaginer que leurs portables seraient un jour saisis. C’est en effet en raison de leurs SMS que le complot du parricide a éclaté au grand jour. Et que l’affaire a pris une nouvelle dimension.

Retour sur le début de cette enquête : lorsque la section protection de la jeunesse de la police judiciaire est chargée du dossier début octobre 2012, il est question d’une affaire d’abus sexuels : durant de longues années, un père aurait abusé de ses trois filles. Une partie des faits se serait déroulée au Luxembourg, une autre aux Philippines, le pays dont cette famille recomposée était originaire.

Le premier viol reproché au père, âgé aujourd’hui de 62 ans, remonte à août 2006. L’aînée des filles, âgée alors de 19 ans, raconte avoir été abusée sexuellement alors que sa belle-mère était partie avec ses deux sœurs en Belgique. Il y a eu d’autres abus par la suite. Toujours sous l’emprise de menaces ou de violences. Jusqu’au dépôt de plainte au printemps 2012, les enquêteurs retraceront une tentative de suicide, deux interruptions de grossesse, sans oublier l’envoi de photos intimes alors qu’elle était partie étudier aux Philippines. Son père l’y aurait contrainte. Et lors de ses déplacements aux Philippines, il en aurait profité pour continuer à avoir des relations sexuelles avec elle.

Ses deux sœurs cadettes auraient aussi été victimes d’abus sexuels. Des faits qu’elles ont confirmés, début décembre 2012 lors de leur audition, quand la police les avait fait acheminer en avion des Philippines. L’une avait ainsi raconté que son père l’avait menacée de ne plus lui verser d’argent pour ses études. En se penchant sur les mouvements de comptes de la famille, l’enquêteur a constaté qu’environ 29 000 euros de bourses Cedies, destinées aux filles, avaient atterri sur le compte du père. De l’argent qui aurait en grande partie servi à rembourser un prêt pour l’achat d’une maison aux Philippines…

Les bourses et la maison

Mais l’enquête ne s’arrête pas. Lors de l’analyse des échanges SMS, les enquêteurs découvrent que les filles avaient engagé un tueur à gages pour liquider leur père aux Philippines. C’était en mai 2012, juste avant que l’aînée du trio ne porte plainte pour viols à la police à Esch et ne s’adresse à une assistante sociale.

«Quand le complot a échoué, elles ont opté pour une autre solution. Le parricide manqué a fait naître le viol.» C’est la position que défend l’avocat du père. D’après Me Roby Schons, les sœurs ont tenté de tuer leur père afin de s’accaparer tout son argent ainsi que sa maison. Dans l’intérêt de son client, il a ainsi demandé mardi que les deux affaires soient jugées en même temps. Mais la 13e chambre criminelle en a décidé autrement. Elle estime même que les deux affaires devraient être jugées par deux compositions différentes. Car les présumées victimes des viols se retrouveront sur le banc des prévenus dans l’affaire de la tentative de parricide. Un fait que les filles ont d’ailleurs reconnu comme acte de revanche. Selon elles, c’était l’unique moyen à l’époque pour ne plus être violées…

En raison de certains détails livrés au cours de leurs récits respectifs – le jour du rendez-vous chez le dentiste, le jour où toute la famille était à la messe… –, l’enquêteur s’est permis de conclure hier : «Le père a violé les trois filles.»

Du côté du père, les viols sont intégralement contestés. «Toutes ces accusations sont des mensonges. Je n’ai rien fait de mal», s’est défendu le sexagénaire, à l’ouverture de son procès. Dès sa première audition à la police, il avait contesté les viols. À l’expert neuropsychiatre en mars 2013, il avait confié avoir grandi dans une famille très catholique aux Philippines. Mais il avait aussi raconté avoir eu des relations sexuelles avec l’aînée de ses filles à partir de 2006. Des rapports sans violences, selon lui, après qu’elle l’aurait aguiché. Et elle aurait fait du chantage pour qu’ils poursuivent ces relations.

Ce mercredi après-midi, la chambre criminelle entendra les trois sœurs.

Fabienne Armborst