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Multinationales : le Luxembourg adopte l’obligation du reporting « pays par pays »


Pierre Gramegna (à dr.) et son homologue français, Michel Sapin, ont certainement évoqué le BEPS au dernier Conseil Ecofin du 6 décembre. (photo AFP)

Transposant une directive européenne, les députés luxembourgeois ont voté mardi à l’unanimité une loi obligeant les multinationales à déclarer leurs bénéfices et leurs impôts « pays par pays ». Des informations qui devront faire l’objet d’un échange automatique et obligatoire entre administrations fiscales.

La loi en question transpose en droit national une directive européenne et s’avère être une des mesures du plan d’action BEPS (ensemble de mesures proposées par l’OCDE et le G20 pour une approche internationale coordonnée de la lutte contre l’évasion fiscale de la part des entreprises multinationales).

Alors que le procès LuxLeaks vient de s’ouvrir en appel, les députés ont adopté mardi le texte de loi qui a pour objectif de contraindre juridiquement les entreprises multinationales à plus de transparence fiscale. En effet, le plan d’action BEPS, qui vise à lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, « constitue une initiative majeure en faveur d’une modification des règles fiscales internationales existantes », a indiqué le député rapporteur, Eugène Berger (DP).

Premiers échanges à la fin du mois de juin 2018

Concrètement, la loi obligera les entreprises multinationales présentant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions euros, à fournir annuellement des informations sous la forme d’une déclaration «pays par pays» afin d’accroître la transparence au niveau de l’Union européenne. « Dans ce cadre, il s’agira, pour les multinationales de déclarer leurs bénéfices avant impôts et les impôts sur les bénéfices qu’ils ont acquittés, de même que ceux qui sont dus », a encore souligné le député libéral Eugène Berger.

D’autres informations devront également être obligatoirement indiquées aux administrations fiscales des pays où les entreprises multinationales réalisent leur chiffre d’affaires, à savoir  : le nombre d’employés, le capital social, les bénéfices non distribués et les actifs corporels dans chaque juridiction fiscale. À signaler que les premières déclarations pays par pays devront être échangées avant le 30 juin 2018.

Si les députés, tous bords confondus, ont inévitablement salué la transposition de la directive européenne en droit luxembourgeois, certains parlementaires de l’opposition ont tout de même émis certaines réserves, voire critiques. David Wagner (déi Lénk) a par exemple remis en cause le critère du seuil du chiffre d’affaires que doit dépasser une entreprise multinationale pour être concernée. « Seulement 10  % des multinationales réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750  millions d’euros.

D’ailleurs, le Parlement européen a revendiqué de baisser ce seuil de 750  millions », a-t-il rappelé, quelque peu tiraillé entre deux appréciations antagonistes. Car si d’un côté le député de la Gauche salue « les progrès attendus en matière de transparence », il a également critiqué « une loi trop peu ambitieuse ».

Quid de la politique fiscale de Trump?

Le jugement du député se rapporte, en effet, au fait que l’échange automatique d’informations pays par pays ne concernera que l’échange d’informations entre administrations fiscales. « Les informations doivent être rendues publiques et non se cantonner à être échangées entre administrations fiscales, car celles-ci peuvent également constituer une partie du problème, comme l’ont confirmé les révélations des LuxLeaks et des Panama Papers! »

Pour sa part, Laurent Mosar (CSV) s’est interrogé sur les hypothétiques règles du jeu équitables («level playing field») entre les pays respectant le plan d’action BEPS et les pays décidés à passer outre : « Que se passera-t-il si les pays de l’UE appliquent les règles BEPS et pas les autres? Et qu’en sera-t-il des États-Unis et de la politique fiscale de Donald Trump? » Une question à laquelle le ministre des Finances, Pierre Gramegna, a volontiers répondu : « Il s’agira de faire un état des lieux début 2018 et voir quel est l’agenda fiscal de Donald Trump. » En attendant, le doute subsiste.

Claude Damiani

BEPS : mode d’emploi et calendrier

Les travaux sur l’action 13 du plan d’action BEPS ont abouti à l’élaboration d’un ensemble de normes relatives à la communication des informations pour les groupes d’entreprises multinationales, et notamment de la déclaration pays par pays. Le but de cette communication est ainsi de favoriser la transparence au niveau des groupes d’entreprises multinationales.

Concernant l’agenda prévisionnel établi, les premières déclarations pays par pays devront être échangées pour le 30  juin 2018 et déposées à l’administration des Contributions directes pour le 1 er  janvier 2018, dès lors que l’exercice fiscal visé, d’une période comptable annuelle, commence le 1 er janvier 2016.