Le journaliste français Édouard Perrin assigne PWC au tribunal de Metz ce mardi matin pour demander la rétractation de l’ordonnance par laquelle le cabinet de services financiers a établi le lien entre lui et Raphaël Halet, l’un des deux lanceurs d’alerte de l’affaire LuxLeaks. En cause : la violation du secret des sources du journaliste.
Édouard Perrin est le journaliste français qui a révélé le premier, en mai 2012, les pratiques fiscales illégales du Grand-Duché au profit des multinationales dans l’émission Cash Investigation sur France 2. C’est à lui qu’Antoine Deltour et Raphaël Halet, deux anciens employés de PWC, avaient remis les documents à l’origine de ce vaste scandale fiscal.
Jeudi 23 novembre, lors de l’audience en Cour cassation devant laquelle les deux lanceurs d’alerte s’étaient pourvus, Édouard Perrin était venu à Luxembourg pour apporter son soutien à ses deux anciens coaccusés. Comme eux, il avait été poursuivi par la justice luxembourgeoise pour la divulgation de ces accords secrets négociés par PWC avec le fisc luxembourgeois au profit de multinationales. Contrairement aux deux lanceurs d’alerte, il avait été relaxé en première instance puis en appel.
Mais si le journaliste avait fait, jeudi, le déplacement depuis Paris, c’était aussi pour annoncer qu’il donne rendez-vous à PWC devant la justice française. Il a indiqué qu’il assigne PWC en référé devant le tribunal de grande instance de Metz pour rétractation d’une ordonnance rendue sur requête.
Tarir la source du journaliste
Pour comprendre, il faut revenir à l’enquête interne déclenchée dès 2012 par PWC pour découvrir quelles étaient les sources à l’origine des fuites. Le cabinet a notamment cherché à savoir d’où provenaient les déclarations fiscales divulguées par l’ICIJ (Consortium international des journalistes d’investigation), établies à une date postérieure au départ d’Antoine Deltour qui avait démissionné du cabinet en octobre 2010.
Les soupçons s’étaient alors portés sur Raphaël Halet, employé du service Tax de PWC. Cette enquête avait débouché le 27 novembre 2014 sur une ordonnance désignant un huissier de justice pour réaliser une perquisition au domicile du Lorrain, afin de saisir les documents numériques de PWC qu’il pouvait encore détenir. Mais il s’agissait aussi pour PWC de démontrer qu’il était la source du journaliste Édouard Perrin.
Cela viole le sacro-saint principe de la protection des sources des journalistes dont la Cour européenne des droits de l’homme considère qu’elle constitue «la pierre angulaire de la liberté de la presse».
«Atteinte au secret des sources»
L’huissier messin, les gendarmes français et quatre des principaux dirigeants de PWC Luxembourg qui mènent la perquisition quelques jours plus tard emportent tout le matériel informatique de la famille Halet, téléphones portables et tablette des enfants compris.
Édouard Perrin demande la rétractation de l’ordonnance en raison du préjudice qu’il a subi : sans cet acte, la justice n’aurait pas établi de lien entre lui et Raphaël Halet et sans ce lien il n’aurait pas été poursuivi au Luxembourg.
Mais pour ce journaliste d’investigation, membre de l’ICIJ, le plus important est ailleurs : «On ne peut pas laisser passer ça, car c’est une atteinte au secret des sources des journalistes. PWC l’a fait en connaissance de cause et la justice l’a validée. En tant que journaliste, je ne veux plus que ce genre de procédure soit à nouveau utilisé pour débusquer un journaliste. »
«Qui plus est, c’est une atteinte au statut de lanceur d’alerte», poursuit Édouard Perrin. Dans le cas présent, le lanceur d’alerte est Raphaël Halet. Ce dernier a décidé de se joindre à la procédure lancée par le journaliste dans le cadre d’une «intervention volontaire».
«PWC va devoir s’expliquer»
«PWC va devoir s’expliquer sur ses méthodes. Lorsqu’ils ont demandé au tribunal de Metz une ordonnance pour qu’un huissier saisisse le matériel informatique de Raphaël Halet, ils ont trompé les autorités françaises», martèle Me Bernard Colin, l’avocat de Rapahaël Halet, dans un entretien au Républicain Lorrain, lundi. «PWC savait déjà qui était à l’origine des fuites. Ce que cherchait le cabinet en réalité, c’est établir un lien entre Halet et le journaliste. C’est une atteinte grave à la protection des sources! Dans l’ordonnance que l’on attaque, il y a un chapitre dans lequel il est écrit qu’on cherche à récupérer une copie des échanges avec un journaliste. C’est complètement illégal», conclut l’avocat messin.
Contacté par Le Quotidien, PWC n’a pas souhaité commenter cette information «sur un sujet qui suit son cours».
Fabien Grasser