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L’État luxembourgeois oublie de redistribuer ses richesses


Un tiers des salariés au Luxembourg connaissent de plus en plus de difficultés à joindre les deux bouts en fin de mois. (illustration Alain Rischard)

La Chambre des salariés (CSL) pointe dans son avis sur le budget de l’État 2018 la contradiction qui voit la pauvreté augmenter alors que les finances publiques se portent bien. Un réajustement est revendiqué.

Le Luxembourg, qui reste un des pays les plus riches au monde, connaît bien des paradoxes qui provoquent de l’incompréhension, à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de nos frontières. Grâce à la forte croissance économique, qui varie chaque année entre 3 et 4%, la création d’emplois reste très dynamique. Or malgré des milliers de postes vacants, le chômage a du mal à baisser.

Une contradiction encore bien plus inquiétante, pointée vendredi matin par la CSL, est le fait que grâce à cette croissance, les finances publiques se portent très bien. Mais derrière, le risque de pauvreté ne cesse d’augmenter, surtout chez les chômeurs de longue durée (44,8%), les locataires (34%) et les familles monoparentales (40%). Pire encore, même un tiers des salariés (11,9%) connaissent de plus en plus de difficultés à joindre les deux bouts en fin de mois.

«Globalement, on peut dire que la situation économique est bien meilleure que la situation sociale. Une meilleure redistribution des richesses générées est non seulement possible, mais aussi nécessaire. Les finances publiques le permettent clairement, surtout si l’on considère qu’en fin de compte les exercices se clôturent toujours mieux que prévu», souligne Sylvain Hoffmann, directeur adjoint de la CSL.

Lors de la présentation de l’avis de la Chambre des salariés, de nombreux chiffres ont été avancés pour donner du poids à ces revendications. Éléments choisis : la croissance du PIB pour 2016 devrait s’établir à 3,1%, l’inflation reste dans les normes en tournant autour des 2%, le coût salarial reste bien en dessous de la moyenne européenne et la productivité est elle supérieure au taux moyen au niveau de l’UE. Là où le bât blesse considérablement, c’est au niveau de l’évolution des salaires. «Les salaires ne tiennent pas avec la forte croissance de l’économie», déplore Sylvain Hoffmann.

«Où est le problème ?»

Cette bonne santé de l’économie a cependant aussi des répercussions positives sur les finances publiques. Les recettes fiscales sont toujours supérieures aux prévisions. «On respecte et dépasse même tous les critères européens en matière de stabilité des finances publiques. Uniquement pour l’année 2016, les recettes vont dépasser de 600 millions d’euros les prévisions, soit 1,1% du PIB», indique le directeur de la CSL.

La dette publique serait également dans les clous, ce qui amène la CSL à la conclusion suivante : «Où est le problème de financer les importants investissements en recourant à des emprunts ? L’État dispose de suffisamment de recettes et de réserves pour le faire», affirme Jean-Claude Reding, président de la CSL. «Ceux dans le camp politique qui plaident l’austérité font fausse route. Les investissements d’aujourd’hui vont générer des recettes à l’avenir», enchaîne l’ancien président de l’OGBL en visant notamment le CSV, mais pas seulement. «Lors des gouvernements précédents, ils étaient toujours deux à former la majorité», fait-il remarquer.

«Je lance un appel généralisé à la politique pour consolider le système social et les transferts sociaux. Il faut aussi renforcer et mieux soutenir le dialogue social dans les entreprises», poursuit Jean-Claude Reding en dressant des solutions pour résoudre la situation paradoxale actuelle.

La CSL ne se limite cependant pas au temps présent. Interrogé sur la croissance aveugle, le président de la Chambre des salariés rappelle que ce sont bien les traités européens qui reposent sur cette logique de croissance. Mais au-delà de ce cadre, Jean-Claude Reding partage l’avis de plus de 15 000 scientifiques qui disent clairement «qu’il existe des limites». «Que va-t-il arriver si un jour on sera 30 ou 35 milliards de personnes sur Terre ? Il faudra trouver une autre façon pour croître, sans gaspiller les ressources et en respectant l’environnement. Et quoi qu’il en soit, il nous faut un système social fort pour s’en sortir», conclut Jean-Claude Reding.

David Marques