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Le douanier tente de se dédouaner


"Je n'étais absolument pas au courant qu'une enquête était en cours." (photo LQ)

Parce qu’il avait glissé « Fais attention, tu es sur écoute… » en 2013 à un ami suspecté de trafic de stupéfiants, un douanier a comparu ce jeudi pour violation du secret professionnel.

« Je voulais lui flanquer la frousse pour qu’il change son mode de vie.» Le douanier, 39 ans aujourd’hui, ne conteste pas avoir glissé lors d’un bal de carnaval à Kehlen le 2 février 2013 à un ami : «Fais attention, tu es sur écoute…» Au contraire. Selon lui, l’ami, qu’il connaissait depuis l’an 2000, plongeait à l’époque régulièrement dans la drogue. Voilà pourquoi il voulait l’aider… en espérant qu’il prendrait sa vie en main.

Le problème est qu’à l’époque cet ami faisait vraiment l’objet d’une enquête policière. Canular hasardeux entre amis ou violation du secret professionnel comme le présume le parquet ? Toujours est-il que l’ami avait complètement changé son mode de vie après avoir reçu cette information.

Il ne consommait plus d’alcool, plus de drogues, faisait beaucoup de sport… Et le résultat de l’écoute téléphonique s’était révélé bien maigre. Le suspect passait ses appels sur un deuxième numéro. À part une conversation entre mère et fils, pas grand-chose n’avait filtré sur ce trafic de stupéfiants. Ce qui avait mis la puce à l’oreille des enquêteurs. Si dans un premier temps plusieurs agents avaient été suspectés de cette fuite, un douanier de la brigade de stupéfiants de Rumelange avait fini par atterrir dans le viseur.

«Je n’étais absolument pas au courant qu’une enquête était en cours.» Voilà le refrain du trentenaire hier matin à la barre de la 12e chambre correctionnelle. Quand le président lui fait remarquer qu’avant le bal il avait déjà mis en garde par téléphone la mère de son ami, il répond : «Je me faisais du souci pour lui. Ayant entendu qu’il fréquentait certaines personnes, j’ai juste dit à sa mère qu’il garde ses distances avec ces personnes criminelles.»

«C’est un fait qu’à l’époque une enquête était en cours. Il semble logique qu’on puisse seulement dévoiler un secret que l’on sait…», tente de creuser le président. Le douanier niera en bloc. Selon lui, impossible à l’époque de savoir qu’une enquête allait être menée sur son ami, puisque la police chargée de l’enquête n’avait pas encore informé la douane.

Trois mois avec sursis et une amende requis

Mais pour les enquêteurs de la police judiciaire, aucun doute : il était au courant de l’enquête. La phrase qu’il avait lâchée dans leur voiture le jour où il avait été perquisitionné en 2014 les avait interpellés : «Je n’ai rien à me reprocher. Je n’ai pas violé le secret professionnel. La phrase « Fais attention ils enquêtent sur toi » n’est jamais tombée.»

«Je maintiens que je n’étais pas au courant de l’enquête», aura insisté une dernière fois le prévenu avant de laisser la parole à son avocat. «Si on raconte quelque chose qu’on ne pouvait pas savoir, il n’y a pas de violation du secret professionnel», a plaidé Me Laurent Limpach, qui demande l’acquittement. Selon l’avocat, il n’est pas prouvé qu’il avait connaissance de l’enquête. Le juge d’instruction n’aurait d’ailleurs ordonné les écoutes que début mars 2013.

Le parquet avait toutefois un autre point de vue. Dès janvier, il y aurait bien eu un échange d’informations entre la police et la douane. «Même s’il essaie de se dédouaner, je suis d’avis que l’information était bien à sa disposition et que ce n’est pas par hasard qu’il lui a parlé de l’écoute : il voulait prévenir son ami», a souligné la parquetière avant de requérir trois mois de prison et une amende appropriée. Comme le prévenu n’a pas d’antécédents, elle ne s’oppose pas à un sursis intégral. Le trentenaire n’a fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire. Aujourd’hui, il travaille toujours à la douane, mais dans un autre service.

Prononcé le 27 juin.

Fabienne Armborst