Comédien novice en politique, Volodymyr Zelensky a remporté dimanche la présidentielle en Ukraine avec une majorité écrasante face au sortant Petro Porochenko, ouvrant une page riche en incertitudes pour ce pays en guerre aux portes de l’Union européenne.
Rares sont ceux qui ont pris au sérieux Volodymyr Zelensky, acteur et humoriste de 41 ans, lorsqu’il a annoncé sa candidature en plein réveillon du 31 décembre.
À l’issue de quatre mois de campagne hors normes menée essentiellement sur les réseaux sociaux, il a remporté 73% des voix au second tour de la présidentielle contre 25% pour son adversaire, selon un sondage réalisé à la sortie des bureaux de vote par le consortium « Exit Poll National » réunissant trois instituts.
Des résultats officiels partiels doivent être publiés au fil de la nuit par la Commission électorale, qui a estimé la participation à 14h à plus de 45%.
« Je ne vous laisserai jamais tomber », a promis Volodymyr Zelensky aux Ukrainiens depuis son quartier de campagne, où il est aussitôt sorti remercier ses partisans, avant de s’adresser à « tous les pays de l’espace post-soviétique » : « Regardez-nous! Tout est possible! ».
Cinq ans après la révolution pro-occidentale du Maïdan, réprimée dans le sang, les Ukrainiens ont une nouvelle fois décidé de renverser la table, cette fois par une élection qui n’a pas manqué de coups bas mais s’est déroulée dans l’ensemble dans le calme et dans le respect des normes démocratiques.
Nouvel épisode spectaculaire de la vague mondiale antiélites, le raz-de-marée remporté par Volodymyr Zelensky, qui a promis de « casser le système » sans dévier du cap pro-occidental, donne la mesure de la défiance des Ukrainiens envers leur classe politique dont Petro Porochenko est un vétéran.
À 53 ans, ce dernier paie les scandales de corruption incessants depuis l’indépendance en 1991, les difficultés économiques de l’un des pays les plus pauvres d’Europe, et son incapacité à mettre fin au conflit qui endeuille son pays.
Président sans majorité parlementaire
La politique que compte mener Volodymyr Zelensky reste très floue. Président, il va se retrouver chef des armées et responsable de nominations clés. Mais sa marge de manœuvre pour prendre des mesures concrètes sera très limitée faute de majorité parlementaire, alors que les législatives ne sont prévues pour l’instant que le 27 octobre.
Les défis sont immenses dans cette ex-république soviétique, confrontée à une crise inédite depuis son indépendance en 1991. L’arrivée au pouvoir de pro-occidentaux en 2014 a été suivie de l’annexion par Moscou de la péninsule ukrainienne de Crimée et d’une guerre dans l’est qui a fait près de 13000 morts en cinq ans.
Cette crise a largement contribué aux graves tensions actuelles entre la Russie et les Occidentaux, qui ont décrété des sanctions réciproques. Si elle se confirme, l’élection d’un nouveau président inexpérimenté sera suivie de très près par les chancelleries.
Vendredi, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, a appelé les deux candidats, qui avaient été reçus à Paris mi-avril par le président français, Emmanuel Macron.
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a indiqué dimanche espérer que Kiev resterait après l’élection fidèle aux accords de paix de Minsk de 2015, qui avaient permis de réduire considérablement le niveau de violences dans la zone de conflit.
Si Petro Porochenko est crédité par ses supporteurs d’avoir rapproché l’Ukraine des Occidentaux, redressé l’armée et évité une faillite de son pays, aucun haut responsable n’a été condamné pour corruption et le processus de paix semble dans l’impasse.
Très en retard au premier tour, il a tenté de mettre en avance son expérience politique, diplomatique et militaire accumulée en cinq ans, mettant en garde sur les risques pesant sur l’Ukraine et se posant en rempart face à Vladimir Poutine.
Il n’est jamais parvenu à reprendre l’avantage sur son adversaire, qui l’a attaqué sur la corruption de son entourage et s’est posé en « type simple » antisystème à l’image du professeur d’histoire sympa élu président qu’il incarne dans une série télévisée.
AFP