Embellie économique, unité affichée : le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a dévoilé mercredi à Strasbourg un programme ambitieux et son propre scénario pour l’avenir d’une Union qui a « à nouveau le vent en poupe ».
« L’Europe a à nouveau le vent en poupe. Nous avons désormais une fenêtre d’opportunité mais celle-ci ne restera pas éternellement ouverte. Faisons le maximum pour saisir cette dynamique », a lancé le Luxembourgeois dès l’introduction de son discours annuel sur l’état de l’Union, devant les députés européens réunis à Strasbourg. A 62 ans, le patron de l’exécutif européen a voulu laisser derrière lui, en cette rentrée 2017, la « crise existentielle » de l’UE qu’il évoquait un an plus tôt.
Larguons les amarres. Mettons les voiles. Et profitons des vents favorables. Mon discours #SOTEU 2017: https://t.co/o5NqvY6t2H pic.twitter.com/0e6oCtSawG
— Jean-Claude Juncker (@JunckerEU) 13 septembre 2017
De fait, la croissance s’installe dans les 28 pays de l’UE, le chômage recule, les flux migratoires paraissent maîtrisés. L’UE veut croire en sa convalescence. Malgré trois premières années de mandat marquées par la « gestion de crise », selon l’expression de l’eurodéputé belge Guy Verhofstadt, la Commission a déjà présenté « 80% des propositions promises en début de mandat », a insisté Jean-Claude Juncker. Il lui reste maintenant 16 mois pour mettre en œuvre son projet, alors que son mandat se termine à l’automne 2019, quelques semaines après les élections européennes de juin.
Un super ministre de l’Économie
Pour le Luxembourgeois, la construction d’une Europe « plus forte et plus unie », passe par le renforcement de sa force de frappe commerciale – accords avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande à venir – tout en proposant un « cadre » européen sur le contrôle des investissements étrangers afin de protéger les secteurs stratégiques. Une mesure qui répond notamment aux inquiétudes sur les acquisitions chinoises.
Il a appuyé l’idée d’un super ministre européen des Finances et de l’Économie, qui serait à la fois commissaire européen de l’Économie et des Finances et président de l’Eurogroupe, qui regroupe les ministres des Finances des 19 pays ayant adopté la monnaie unique. L’euro, pour le chef de l’exécutif européen, a pour destin, à terme, d’être adopté par la quasi totalité des États membres.
Après avoir ouvert le débat sur l’avenir de l’Union et publié en mars un « livre blanc » échafaudant cinq scénarios sur les différentes perspectives d’intégration, cette rentrée sans crise pressante est l’opportunité pour Juncker de fixer le cap à atteindre en profitant de « vents favorables » à l’Union. Le « sixième scénario » de Jean-Claude Juncker se base sur trois principes de base : liberté, égalité de droit, État de droit. L’occasion pour le président de la Commission d’appeler à surmonter le fossé qui menace de s’agrandir entre l’Est et l’Ouest de l’Europe, alors que des États membres comme la Pologne et la Hongrie font l’objet de rappels à l’ordre de la part de la Commission sur le respect de certaines règles européennes.
Autorité commune pour encadrer le travail détaché
« L’Europe doit respirer à pleins poumons, elle en a deux, à l’Est et à l’Ouest, autrement elle s’essoufflera », a averti le président En se gardant bien de citer quiconque, il a rappelé que « le droit et la loi doivent être garantis par une justice indépendante ». Il a réitéré l’autorité de la Cour de justice de l’UE pour garantir la législation européenne.
Le patron de la Commission a aussi souligné l’importance de ne pas laisser les citoyens européens de côté, en particulier les travailleurs, appelant à une « autorité commune » pour réguler le marché de l’emploi « partout » dans l’UE des dispositions encadrant le recours aux travailleurs détachés, aujourd’hui accusées de favoriser le dumping social.. « Dans une Union entre égaux, il ne peut y avoir (…) de travailleurs de deuxième classe. Ceux qui effectuent le même travail au même endroit doivent pouvoir obtenir le même salaire », a plaidé Jean-Claude Juncker. Significativement, plus d’un an après le séisme du référendum sur le Brexit, il n’a que très brièvement évoqué le retrait annoncé du Royaume-Uni : « Nous devons respecter la volonté du peuple britannique, mais nous avancerons, nous avancerons parce que le Brexit n’est pas tout, parce que le Brexit n’est pas l’avenir de l’Europe ».
Le Quotidien/AFP