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Au tribunal à cause d’un marcassin qu’elle avait recueilli, nourri et élevé chez elle


Un animal sauvage blessé ne doit pas être soigné à la maison sinon il s'habitue à l'être humain, explique l'ANF. La solution, c'est de le ramener, par exemple, au Centre de soins pour la faune sauvage de Dudelange. (Illustration : archives lq/AlainRischard)

La prévenue avait recueilli un petit sanglier grièvement blessé. Le temps qu’il reprenne du poil de la bête, il vivait dans sa ferme… jusqu’au jour où les autorités sont intervenues. Car détenir un sanglier chez soi est illégal. Aujourd’hui Peggy dort au Centre de soins pour la faune sauvage à Dudelange.

« Comment va le sanglier?», s’est empressé de savoir le président. Cette demande n’était ni du lard ni du cochon. Mais une histoire peu habituelle sur laquelle planchait, vendredi après-midi, la 19e chambre correctionnelle.

Émilie* s’est retrouvée à la barre parce qu’elle a nourri et élevé un marcassin chez elle. Sans autorisation du ministère, elle a tenu en captivité l’animal… jusqu’à l’intervention des autorités le 18 janvier 2019. Dans le cadre d’un autre dossier, l’administration de la Nature et des Forêts (ANF) avait été informée qu’un sanglier était détenu dans une ferme à Kahler. À entendre, la préposée, l’animal avait repris du poil de la bête : «Ce n’était plus un marcassin, mais un sanglier adulte, une laie.»

Depuis, Peggy vit donc au Centre de soins pour la faune sauvage à Dudelange. Sachant qu’un marcassin met un an à atteindre l’âge adulte, il a passé un certain temps avec Émilie. Cette dernière ne cache pas avoir élevé et nourri le petit sanglier. Quand elle l’a accueillie chez elle, Peggy était en fort mauvaise posture, raconte-t- elle. Quand elle l’avait trouvé dans la forêt, le marcassin était grièvement blessé.

« Peggy n’a jamais vraiment été enfermée »

Durant 15 jours, elle aurait gardé Peggy à la maison. Ensuite, l’animal l’aurait accompagnée à l’extérieur. Il aurait eu la possibilité d’aller et de venir. Car la porte de l’écurie serait toujours restée ouverte : «Peggy n’a jamais vraiment été enfermée.» C’est un réflexe humain de vouloir aider un animal blessé et le ramener chez soi. Humainement, c’est compréhensible. N’empêche que ce n’est pas légal. «Le sanglier a été habitué à l’être humain. En vivant les premières semaines dans une maison, il a été domestiqué», explique la préposée à l’ANF.

Aussi le fait qu’Émilie ait tenté de le relâcher et de le ramener chez ses congénères ne change rien. La question de la captivité ne se limite pas à l’enclos. Une fois habitué à l’homme, l’animal reviendra toujours à celui qui lui a offert protection, nourriture et logis. «Il ne retournera plus de lui-même dans les bois.» Peggy est loin d’oublier celle qui l’a sauvée. «Une fois, j’ai voulu aller la voir à Dudelange. Elle a hurlé dans le parc», se souvient Émilie. Elle aussi reste très attachée : «Je ne peux plus aller la voir, à mon grand désespoir.» «On n’est pas des mangeurs de paragraphes, a repris le président. Mais une bête en mauvaise posture doit être gardée auprès d’une institution habilitée à l’avoir.» La solution, c’est de la ramener, par exemple, au Centre de soins pour la faune sauvage de Dudelange. Mais pour Émilie ces démarches ne servaient à rien. «J’imaginais qu’elle allait mourir.» Elle précise cependant avoir fait appel à un vétérinaire.

Amende et confiscation requises

«Il y a certes des lois pour la chasse et la nature. Mais il y a également la loi sur la protection des animaux. Tout animal souffrant doit également être secouru dans la mesure du possible», a estimé Me Nicolas Duchesne. Selon l’avocat, la prévenue n’a rempli que ses obligations. Il a demandé une suspension du prononcé (cela signifierait que sa culpabilité est bien établie mais aucune peine prononcée). Le parquet, quant à lui, a réclamé une condamnation. Son représentant a requis une amende ainsi que la confiscation définitive de l’animal. Pour le montant de la peine, il se rapporte à prudence de justice.

Les juges rendront leur décision le 24 mai. Au cas où le tribunal ne déciderait pas de confisquer l’animal, pas sûr toutefois qu’Émilie puisse le récupérer dans l’immédiat… à cause du danger de la peste porcine le long de la frontière belge.

* Le prénom a été modifié.

Fabienne Armborst

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