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Attaqué par des clowns : une invention pour ne pas se faire expulser, selon le parquet


Le jeune homme a-t-il été attaqué par des "clowns" maléfiques ce soir d'Halloween 2014 ? Pour le parquet, cette histoire est tout sauf crédible. (illustration AP)

Fin octobre 2014, un jeune Luxembourgeois alertait la police : il avait été attaqué par des clowns. Le parquet n’y croit pas. Il parle d’une mise en scène.

C’est un récit digne d’un film d’horreur que le prévenu de 25 ans a livré mercredi matin à la barre. De la camionnette blanche aperçue en début de soirée à l’attaque par trois à quatre individus portant des masques de clown, puis à sa libération de ses liens grâce à une bougie chauffe-plat…

Les faits remontent au 31 octobre 2014, soir d’Halloween. Après avoir bu plusieurs bières et vidé trois quarts d’une bouteille de vin, le jeune homme, âgé aujourd’hui de 25 ans, se rappelle s’être endormi sur le canapé dans l’appartement rue Gaston-Diderich à Luxembourg-Belair. Aux alentours de 1h15, il aurait été réveillé par un bruit dans le couloir. Avant de se retrouver face à ses trois agresseurs parlant un français parfait. «Ils m’ont scarifié alors que j’étais debout.» Les clowns auraient ensuite disparu par la fenêtre. Lui se serait retrouvé les poings ligotés dans le dos. Il aurait néanmoins réussi à sortir son portable de sa poche avant et à appeler le 113. C’est alors que sa copine aurait accouru de la pièce à côté.

La jeune femme, aussi, est poursuivie pour fausse alerte, outrage envers agents de police et dénonciation calomnieuse. Mais, tout comme son ex-compagnon, elle conteste les accusations. Cette nuit-là, elle prétend avoir dormi à poings fermés avant d’avoir été réveillée par ses cris. En voyant les blessures, elle n’aurait eu d’autre choix que d’appeler la police.

À la sortie de l’hôpital vers 5h15, le jeune homme s’était dépêché de poster les photos de son buste mutilé sur Facebook. «C’était pour alerter les gens du danger des clowns», expliquait-il, mercredi. La suite on la connaît.

«Le cutter, c’était pour creuser le potiron»

Pour le parquet, cette histoire est tout sauf crédible : «Il y a beaucoup d’éléments dans le dossier qui font conclure au parquet que ces clowns n’ont jamais existé.» Le médecin légiste chargé d’examiner les blessures au torse et au dos du jeune homme a ainsi soulevé leur caractère régulier. Les blessures auraient été superficielles et certaines régions sensibles épargnées. Des blessures difficilement imaginables si la victime s’est débattue ou défendue. Si l’expert ne peut pas exclure à 100% l’intervention d’un tiers, il pense qu’il y a plus d’indices qui parlent en faveur d’une auto-scarification.

Lors de son arrivée à l’appartement, la police avait découvert un éclat de verre et un cutter. D’après l’expert, ces deux objets pointus ont pu infliger les blessures. À la barre le prévenu avait toutefois une autre explication : «Le cutter, c’était pour les bricolages pour Halloween. On avait creusé un potiron pour notre enfant de six mois.»

Les deux avocats ont plaidé l’acquittement. «Ma cliente n’avait pas d’autre choix que d’appeler la police. Autrement on lui aurait reproché une non-assistance à personne en danger», estime Me Gennaro Pietropaolo. Selon Me Richard Thönnissen, l’avocat du prévenu, il est fort possible que les clowns étaient les hommes qui sont venus une semaine auparavant pour inciter le couple à sortir de l’appartement. Après la coupure d’électricité, le changement de serrure, il y aurait eu cette attaque. «Le doute doit profiter au prévenu», conclut-il.

Le représentant du parquet a toutefois une autre position : «Le couple avait toutes les raisons d’organiser cette mise en scène. Le 31 octobre, c’était la date où ils auraient dû quitter le logement. C’était le moment idéal pour cette mise en scène.»

Le parquet requiert un an de prison et une amende appropriée contre le jeune homme. «Il a dénoncé un délit imaginaire en ridiculisant la force publique dans des recherches stériles.» Contre son ex-petite amie, le parquet demande six mois et une amende. La 7e chambre correctionnelle rendra son jugement le 28 juin.

Fabienne Armborst