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Affaire Traversini : Dieschbourg fait face


Entourée par ses collaborateurs, la ministre de l'Environnement, sévèrement bousculée par des reproches de favoritisme, est finalement passée à l'offensive. (photo Fabrizio Pizzolante)

Tout paraît trop beau, mais Carole Dieschbourg affirme que tous les dossiers sont traités de la même manière, sans pouvoir présenter d’exemples similaires. Le cas particulier Traversini vu par la ministre.

Tout est normal. La ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg, apparaît enfin après un silence de deux semaines pour répéter ce que son premier conseiller, Mike Wagner, nous avait déjà expliqué la semaine dernière. Il n’y a rien d’exceptionnel dans le traitement du dossier Traversini par ses services, chacun a fait son travail dans le respect de la procédure, dont elle livre la chronologie.

Une procédure qui a abouti à une autorisation le 12 août, moins d’un mois après que la demande a été encodée au ministère de l’Environnement et transmise pour avis à l’administration de la Nature et des Forêts (ANF) qui rend sa décision le 14 août. Le chef de l’arrondissement sud de l’ANF, Michel Leytem, n’a signé qu’à son retour de vacances mais il avait lu ses e-mails pendant son absence et donné son feu vert au rapport du préposé le 29 juillet. Onze jours pour boucler le dossier.

Quand la ministre se retrouve avec sa pile de documents à signer, haute d’une bonne quarantaine de centimètres selon le geste de la ministre qui évalue de sa main suspendue la masse de travail. Histoire de nous dire entre les lignes qu’elle ne peut pas feuilleter tous les dossiers. Elle laissera le soin à Michel Leytem assis à ses côtés de fournir les explications nécessaires à cette curiosité concernant les dates.

Ça passe tout juste pour Traversini

De toute façon, il s’agissait d’un «petit dossier». La rénovation d’une cabane de jardin, c’est une bagatelle, on ne s’éternise pas dessus. On se réfère aux textes législatifs, on applique l’article 5 du règlement grand-ducal de 1991 et l’article 7.1 de la loi sur la protection de la nature de 2018. Les deux combinés, ça passe tout juste pour le dossier Traversini, puisqu’ils autorisent des exceptions à la règle. Quand il s’agit d’embellir la zone protégée, le ministère peut autoriser des travaux pour être plus en harmonie avec la nature environnante.

Normalement, dans cette zone, toute construction incorporée au sol ou non est interdite par le même règlement. Mais il faut bien tenir compte de l’existant. La cabane de jardin était dans un piteux état, il fallait la rhabiller.

La loi définit pourtant la notion de constructions légalement existantes dans la zone verte. Il faut qu’une autorisation ministérielle ait été accordée à moins que la cabane incriminée ne date d’avant 1965. Pour le cas Traversini, le ministère s’est référé à la date de la construction de la maison principale, 1961, faute de mieux. Il n’y a, à ce jour, aucune preuve de l’existence légale de cette cabane.

Sujet à interprétation

«Il s’agit d’une interprétation de la loi et je ne veux plus poursuivre sur ce sujet car les juges administratifs sont saisis et j’ai confiance en la justice qui saura trancher la question», déclare la ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg.

Le recours introduit par une société immobilière n’effraie pas la ministre non plus. «Cela n’a rien d’exceptionnel, nous avons déjà enregistré 139 recours introduits contre nos décisions en application de la loi sur la protection de la nature», illustre la ministre.

Voilà, de son côté, elle estime avoir tout dit en ce qui concerne le seul volet de l’affaire qui la concerne, l’autorisation accordée pour rénover la cabane de jardin de Roberto Traversini, le désormais ex-bourgmestre de Differdange.

Son camarade de parti n’a pas bénéficié d’un traitement de faveur, tous les dossiers sont traités de la même manière. Difficile pourtant de comparer. Quand on lui demande d’autres exemples du même type, elle répond «qu’aucun dossier ne se ressemble». Pas d’autres références sur les délais, sinon «qu’ils ont été considérablement raccourcis au cours de ces six dernières années».

Pendant toute cette procédure, elle affirme ne pas être intervenue personnellement. Et «à (sa) connaissance», elle n’a pas parlé avec Roberto Traversini non plus. Énigmatique.

Geneviève Montaigu

La chronologie du dossier

La ministre de l’Environnement, appuyée par ses chefs de service, a livré une présentation détaillée de la procédure d’autorisation du bardage de l’abri de jardin sur le terrain détenu par Roberto Traversini.

8 juillet 2019 : Le préposé de la Nature et des Forêts (autrement dit le garde forestier) se rend sur place et signale au maître d’ouvrage (donc Roberto Traversini) la nécessité d’une autorisation. «De manière générale, s’il n’y a pas de risque imminent pour la nature (biotopes, espèces protégées, pollution, etc.), le préposé de la Nature et des Forêts informe les personnes qu’ils doivent arrêter les travaux et poser une demande d’autorisation», précise le ministère dans un communiqué. Dans ce cas précis, le maître d’ouvrage n’a pas tardé à arrêter les travaux.

9 juillet 2019 : À la suite de l’arrêt des travaux, le propriétaire demande l’autorisation pour réaliser les travaux sur l’abri de jardin.

18 juillet 2019 : La demande d’autorisation du propriétaire est encodée au ministère de l’Environnement. Le dossier est envoyé en parallèle à l’administration de la Nature et des Forêts et le requérant reçoit un accusé de réception.

29 juillet 2019 : Le préposé de la Nature et des Forêts donne son avis et conseille l’autorisation des travaux de bardage et de toiture. En même temps, il préconise le retrait d’une fenêtre. Le chef d’arrondissement se rallie le même jour à cette opinion.

12 août 2019 : L’autorisation est accordée.

La législation

Le règlement grand-ducal du 20 novembre 1991 portant sur la protection de la réserve naturelle Prënzebierg, où se trouve l’abri de jardin, porte notamment dans ses articles 3 et 4 sur «toute construction incorporée au sol ou non» et la «construction d’ouvrages autres que des abris agricoles ou forestiers légers».

Or l’article 5 de ce même règlement, sur lequel repose l’argumentation du ministère de l’Environnement, indique que «les dispositions des articles 3 et 4 ne concernent pas les mesures prises dans l’intérêt de la conservation de la zone protégée et de sa gestion».

L’article 7 de la loi du 18 juillet 2018 au sujet de la protection de la nature concernant les constructions existantes dispose que «lorsqu’une construction existante située dans la zone verte compromet le caractère d’un site, le ministre peut ordonner que son aspect extérieur soit modifié de façon qu’elle s’harmonise avec le milieu environnant».