Lundi matin, une femme de 27 ans devait répondre d’abus de faiblesse sur un septuagénaire. En l’espace de trois mois, il lui avait viré près de 100 000 euros.
« J’ai fait connaissance de monsieur dans le café dans lequel je travaillais à l’époque. Il y venait toujours en voiture et seul. Pour moi, il était sain d’esprit. » La prévenue, âgée aujourd’hui de 27 ans, situe leur rencontre au printemps 2013. Le premier virement à hauteur de 6 000 euros a eu lieu en date du 20 juin. «À l’époque j’avais des problèmes financiers. Je lui ai demandé s’il pouvait me prêter de l’argent. J’ai écrit sur un papier que je lui rendrais 150 euros tous les mois», explique-t-elle.
Cela ne s’arrête toutefois pas là. La jeune maman qui élevait seule ses enfants a continué à profiter de l’argent du septuagénaire. Ce dernier lui a ainsi payé un siège enfant, des vêtements, une facture téléphonique… et ses vacances au Portugal. Ce qui fait qu’en l’espace de trois mois le total des versements tournait autour des 95 500 euros.
«Pourquoi a-t-il fait cela ? Cela vous paraît normal qu’il vous prête 6 000 euros et vous paie vos achats ?» La question du président de la 18e chambre correctionnelle a retenti plus d’une fois, lundi matin. Sa réponse : «Parce que je le lui ai demandé. On s’entendait bien. J’étais là pour lui. Tous les jours, il m’appelait…» «Il ne m’a pas donné tout l’argent d’un seul coup», précise-t-elle.
Dans cette importante somme se trouvent également les 25 000 euros ayant servi à l’acquisition d’une nouvelle voiture. Ce n’était pas la prétendue réparation dont elle lui avait parlé. «Ma Nissan était cassée. Il m’a dit qu’il m’offrait une voiture pour mon anniversaire.» Voilà la version de la prévenue. Leur relation, elle l’a décrite comme suit : «C’est comme s’il avait été mon grand-père.Il ne m’a jamais touchée.» Quant aux vacances au Portugal qu’elle avait payées grâce à la carte bancaire du septuagénaire, elle affirme : «Il était bien au courant. C’était pour le baptême de mes enfants.»
La SREC Grevenmacher a été chargée de l’enquête en janvier 2014. Après une chute du septuagénaire dans la baignoire à la fin de l’été 2013, sa belle-fille avait trouvé à son domicile la fameuse reconnaissance de dette de 6 000 euros. Lors d’un repas au restaurant, sa fille s’était ensuite rendu compte de sa «situation catastrophique à la banque». «Elle a vidé ses comptes», a témoigné la quinquagénaire, qui est entretemps devenue sa tutrice. «Il était complètement aveugle.» Une plainte avait été déposée.
Quinze mois et une amende requis
Le septuagénaire, qui réside aujourd’hui dans une maison de soins, n’a pas été entendu lundi. Un certificat médical atteste qu’il ne peut plus faire de déclarations devant un tribunal en raison de son état physique et psychique. Lors de ses dépositions à la police, il avait parlé d’une relation amicale. Il aurait librement donné l’argent à la jeune femme. Elle ne le lui aurait toutefois jamais rendu. «On parle clairement d’un prêt, pas d’un don», plaide Me Jean-Paul Wiltzius. L’avocat de la partie civile réclame 95 467 euros au titre du dommage matériel.
L’avocat de la prévenue, quant à lui, demande l’acquittement. Selon Me Henri Frank, les préventions d’abus de faiblesse, d’escroquerie et de blanchiment ne sont pas établies. «S’il a fait des déclarations circonstanciées, il avait tout son discernement et il n’était pas en état de faiblesse», argue-t-il.
Le parquet n’est pas d’accord avec l’argument selon lequel sa famille l’avait laissé dans un état de solitude. «Mais c’est un fait que dans le café elle s’est rendu compte de l’état de faiblesse de monsieur», souligne son représentant, tout en citant les conclusions de l’expert psychologue. Il poursuit : «Elle lui a fait croire que la somme de 6 000 euros devait être un prêt. Elle crée l’illusion que la somme sera remboursée.» Une manœuvre qui a porté ses fruits, selon le parquet. Car sur tous les versements suivants, le septuagénaire avait indiqué la communication «prêt». «C’est révélateur. Car ça veut dire que dans sa tête c’est clairement de l’argent qu’il prêtait à madame…»
Bref, pour le parquet, la prévenue a clairement abusé de sa faiblesse. «Il s’est laissé charmer par madame.» Il requiert 15 mois de prison et une amende appropriée contre la prévenue. Prononcé le 22 mars.
Fabienne Armborst