Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
De plus en plus présente sur les routes au Luxembourg, la voiture 100% électrique a connu une année 2020 faste au Grand-Duché, malgré un contexte difficile.
Depuis le mois de juin, plus de 200 véhicules 100 % électriques sont immatriculés chaque mois. Malgré la pandémie et une année difficile pour le secteur automobile, l’année aura été celle de l’émergence du véhicule «propre». Sur les neuf premiers mois de l’année, la Société nationale de circulation automobile (SNCA) a enregistré 1 725 nouvelles immatriculations de véhicules 100 % électriques. C’est 74,9 % de plus qu’en 2019 (986 unités) et 301 % de plus qu’en 2018 et ses 430 nouvelles immatriculations concernant un véhicule entièrement électrique. Les véhicules thermiques traditionnels carburant à l’essence et au diesel restent largement plébiscités par les automobilistes, puisque les nouvelles immatriculations de voitures électriques ne représentent que 4,5 % des nouvelles plaques jaunes du pays. À noter que les véhicules hybrides correspondent, avec 4 921 unités, à 12,9 % des nouvelles immatriculations cette année.
Ces niveaux restent cependant très loin des objectifs initiaux du gouvernement. En 2010, Étienne Schneider, alors ministre de l’Économie, ambitionnait d’avoir «40 000 voitures électriques en circulation en 2020». François Bausch, le ministre de la Mobilité, mise lui sur un ratio de 50 % de voitures électriques d’ici à 2030. Pourtant, jamais la voiture électrique n’a connu un tel essor au Luxembourg. Prime incitative, émergence de nouveaux modèles, augmentation de l’autonomie, multiplication des bornes de recharge… le phénomène s’explique. En premier lieu, les constructeurs ont mis le paquet. Dès le début de l’année, une petite cinquantaine de nouveaux modèles électriques sont arrivés sur le marché. Les constructeurs allant même jusqu’à annoncer que dans un futur proche l’ensemble des modèles disposerait d’une alternative électrique.
Chez Volkswagen, qui reste la marque préférée des automobilistes au Luxembourg, l’ID3 a fait son apparition sur les routes du pays en septembre dernier. «Nous sommes très contents des résultats de l’ID.3. Les premières ID.3 ont été livrées en septembre dernier. Aujourd’hui, nous en avons vendu 92 au Grand-Duché. Et les 20 premiers ont pu recevoir leur voiture avant même l’arrivée des véhicules de démonstration chez les concessionnaires», assure Bertil Muller, directeur Volkswagen au Luxembourg, avant de continuer : «On vend nettement plus de véhicules électriques. Chez Volkswagen, cette année, 215 véhicules, alors que l’année dernière ce chiffre était de 25. L’ID.3 n’est pas la seule à être électrique chez Volkswagen, nous avons aussi l’e-Golf et l’e-up!. L’ID.4 a déjà été présentée. Mais effectivement, c’est une explosion.»
Autre modèle ayant rencontré un certain succès, la Mini Cooper SE, elle aussi entièrement électrique. «Environ 150 unités ont été commercialisées en 2020 sur le Grand-Duché de Luxembourg. Cela dépasse notre espérance, d’autant plus que 90 % de notre clientèle est privée. Le succès de ce modèle contribue également à notre progression avec 2,13 % de parts de marché dans le pays fin octobre, du jamais vu», s’enthousiasme-t-on du côté de Mini.
Des électriques moins onéreuses
À noter tout de même que Tesla reste pour le moment le leader sur le marché de l’électrique avec 431 nouvelles immatriculations depuis le début de l’année, soit 58 de plus que l’année dernière. Renault, avec 211 nouvelles immatriculations électriques, est également très bien positionné sur ce segment de l’électrique. Suivent Hyundai (126), Smart (113) et Kia (99).
Autre point fort, le leasing. Au Luxembourg, le leasing automobile est fortement répandu et constitue presque 40 % des nouvelles immatriculations, contribuant à faire du parc automobile luxembourgeois le plus jeune d’Europe avec une moyenne d’âge de 6,4 ans, selon les dernières données de l’Association des constructeurs européens d’auto mobiles (ACEA). Le Royaume-Uni est deuxième avec une moyenne d’âge de 8 ans. Le leasing rassure donc l’automobiliste, comme l’explique Bertil Muller : «La proportion de leasing est plus grande sur les voitures électriques que sur les autres voitures. Je pense que ça a à voir avec le fait qu’il y a une certaine incertitude sur la valeur résiduelle d’une voiture électrique après trois ou quatre ans. L’automobiliste va se demander ce qu’il va se passer à la revente. Est-ce que la technologie des batteries aura évolué, rendant ma voiture plus vraiment à jour? Donc, le leasing est un super produit, car nous garantissons un prix de rachat et le client a juste à payer ses recharges.»
L’autonomie reste souvent un point d’inquiétude pour l’automobiliste. Les premiers modèles annonçaient effectivement péniblement une autonomie de 150 kilomètres. En 2020, selon Total Mobility, les véhicules électriques affichaient une autonomie moyenne de 290 km, avec un minimum de 150 km et un maximum de 600 km. «En prenant une Audi avec un moteur thermique assez puissant et en ayant le pied un peu lourd, il n’est pas certain qu’on ait une plus grande autonomie qu’une électrique», sourit Michael D’Agostino, directeur Audi au Luxembourg. La marque aux anneaux s’est d’ailleurs lancée dans la tendance électrique avec la commercialisation de l’e-tron. Ce modèle montre d’ailleurs que les prix des véhicules électriques commencent à baisser et à arriver au niveau de ceux des modèles thermiques équivalents.
«L’e-tron est affichée à 68 200 euros sans la déduction des primes. Notre Audi Q7 est affichée à 63 000 euros», explique Michael D’Agostino. En déduisant les 8 000 euros, le montant du bonus écologique (prime de l’État), l’e-tron devient moins coûteuse que son équivalent thermique. Même discours du côté de Volkswagen : «L’ID.3 a vocation à devenir la voiture électrique pour tout le monde, à l’image de la Golf. C’est plus cher, mais dans la plupart des pays et au Luxembourg, il y a des primes pour inciter à l’achat et booster le marché au départ. Aujourd’hui, pour une ID.3, il faut compter entre 35 000 et 40 000 euros. En déduisant les primes de l’État, cela compense la différence de prix», souligne Bertil Muller.
Ajoutons qu’en moyenne un automobiliste dépense 30 000 euros pour une voiture neuve au Luxembourg. Évidemment, la somme reste conséquente et il faudra sans doute attendre des modèles électriques affichés, primes déduites, à des prix se situant entre 10 000 et 15 000 euros pour faire de la voiture électrique un véhicule accessible à tous. Enfin, les bornes de recharge sont de plus en plus présentes dans le pays. Le mois dernier, le parking de la gare de Bettembourg s’est doté de plusieurs bornes Chargy. À domicile, il faut compter entre 2 000 euros et 3 000 euros pour s’équiper d’une borne personnelle. «Il faut aussi voir cela comme un investissement. Au moment de la vente de la maison dans le futur, avoir une borne de recharge électrique dans le garage sera sans doute un bon argument», termine Bertil Muller.
Jeremy Zabatta
Le chiffre : 1 726
En 2019, seulement 844 voitures 100 % électriques ont été immatriculées par 14 marques différentes. Cette année, on en dénombre déjà 1 726 et 27 marques automobiles sont concernées. Les nouvelles immatriculations de voitures électriques représentent 4,5 % des nouvelles plaques jaunes du pays. Il a fallu une décennie pour atteindre ce niveau, puisqu’en 2011 le parc automobile luxembourgeois comptait une seule voiture électrique selon les données du Statec.
Le leasing rassure
L’automobiliste semble vouloir se rassurer en optant pour une solution de location longue durée.
Le segment des voitures de société électriques est porteur d’avenir (Photo d’illustration : DR).
Au Luxembourg, le marché de la voiture de société est important, il représente environ 40 % des nouvelles immatriculations annuelles. Il y a encore quelques années, les entreprises se dotaient de quelques voitures électriques pour se donner une «bonne image», alors que la très large majorité des véhicules de société était thermique. Aujourd’hui, les sociétés commencent véritablement à s’intéresser aux modèles électriques pour des raisons allant un peu plus loin que la simple opération marketing, pour ne pas dire greenwashing.
«Avant, nous étions limités à une Zoé ou une Tesla. Aujourd’hui, les constructeurs ont accéléré dans le domaine et il y a un grand nombre de modèles électriques dans une gamme de prix se situant entre 20 000 et 40 000 euros, explique Joel Fernandes, le directeur de LeasePlan, qui a intégré l’électrique dans sa stratégie à moyen et long terme. C’est déjà plus intéressant. Smart ne propose désormais que de l’électrique au Luxembourg, la nouvelle Fiat 500 électrique est très accessible, notamment avec la prime de 8 000 euros.» Il aurait également pu citer Honda, Volkswagen, MG et bien d’autres.
Pour Joel Fernandes, les aides de l’État ont largement contribué à l’engouement autour de l’électrique et il incite le gouvernement à continuer dans ce sens. «Les primes pour la mobilité électrique et les bornes de recharge ont nettement aidé. Maintenant, il faut continuer, notamment au niveau des entreprises qui, par exemple, ne peuvent pas profiter de l’aide de 1200 euros réservée aux particuliers pour l’installation d’une borne de recharge», souligne-t-il.
Mais l’électrique semble également s’inscrire dans cette tendance de l’usage à l’opposé de la propriété. «Je crois que le leasing est la formule parfaite pour l’électrique», lance Joel Fernandes avant d’analyser : «On avait déjà cette tendance à passer de la propriété à l’usage, mais c’est d’autant plus vrai avec l’électrique et dans un contexte Covid qui impacte la trésorerie des entreprises et des particuliers. Le côté budgétisation, comme on le fait pour Netflix, Apple Music et autres, se retrouve dans la mobilité. On a envie de consommer la mobilité automobile comme on consomme Amazon Prime ou Spotify. Et puis, le consommateur ne veut pas non plus prendre de risques en se posant la question de savoir combien va lui coûter ou lui rapporter la voiture dans quatre à cinq ans et va préférer des mensualités avec tous les services compris.» Sans dévoiler ses chiffres, le directeur de LeasePlan termine en affirmant que le «Luxembourg est un bon élève au niveau des volumes de voitures électriques, au-dessus des chiffres européens du groupe»
JZ
