Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
Alors qu’un tout nouveau quartier est prêt à sortir de terre sur la friche industrielle Rout Lëns à Esch-sur-Alzette, un épatant projet photographique documente l’évolution du site.
Coincé entre Esch-sur-Alzette et la commune d’Audun-le-Tiche côté français, l’ancien site sidérurgique Rout Lëns accueillera bientôt un tout nouveau quartier imaginé par Iko Real Estate. Mais pas question pour le promoteur aménageur luxembourgeois de faire basculer dans l’oubli les bâtiments industriels de ce lieu emblématique de la Métropole du fer, à l’arrêt depuis 1977.
Il a donc confié au photographe français Philippe Roguet, spécialiste des clichés architecturaux, le soin de documenter l’évolution du site sur une période de dix ans, et c’est ainsi que depuis 2020, l’artiste designer mène un travail patient, à la chambre photographique, pour capter les dernières heures fantomatiques de ce décor d’un autre temps, avant sa reconversion.
Photo: Editpress/Alain Rischard
Photo: Editpress/Alain Rischard
Photo: Editpress/Alain Rischard
Photo: Editpress/Alain Rischard
Une expérience inattendue : «C’était la première fois que je photographiais des friches industrielles et j’ai tout de suite été saisi par l’atmosphère très spéciale qui y règne. On croirait voir encore les ouvriers», confie-t-il, alors que le public découvre pour la première fois ses images exposées à la galerie Schlassgoart.
C’est la perspective d’un projet à long terme qui l’a convaincu : «On pourrait croire qu’il s’agit d’exploration sauvage, comme de l’urbex, mais c’est un véritable travail documentaire. À part les photos, il ne restera rien.»
Des images brutes au rendu unique
Sur de grands panneaux s’affichent une trentaine de photographies singulières mettant en scène tour à tour le hall des soufflantes, le magasin TT, le hall des turbines, les silos ou l’ancien poste d’aiguillage.
Des vues à hauteur humaine, volontairement construites pour fonctionner ensemble et susciter un sentiment d’immersion : «Je garde toujours la même échelle et travaille les détails et les perspectives pour qu’au fil des photographies, on ait l’impression de se promener dans les bâtiments.»
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Et ça marche. Ce travail de création couplé au rendu unique de la chambre photographique – appareil numérique de pointe dont l’optique ne déforme pas l’image et offre une définition d’une rare finesse – plonge le spectateur au plus près de ce qui faisait le quotidien des travailleurs.
«La chambre donne ce velouté, ce traitement particulier de la lumière qui restitue fidèlement tous les détails», note le photographe. Jusqu’à donner au visiteur une furieuse envie de gratter la peinture qui s’écaille sur des compteurs électriques en gros plan.
Les vues extérieures semblent, quant à elles, tracées au cordeau : «Je préfère travailler avec des ciels blancs, sans ombre portée. Avec ce cadrage frontal, à la fois simple et radical, les bâtiments apparaissent comme dessinés.»
Des images brutes, sans aucun filtre, qui toucheront en plein cœur les Eschois, les anciens ouvriers et plus généralement les amoureux du patrimoine industriel.
Exposition à découvrir du 5 au 19 novembre à la galerie Schlassgoart, pavillon du Centenaire, boulevard Grande-Duchesse Charlotte, à Esch-sur-Alzette.
Premiers logements en 2025
Articulé autour d’une «allée de la Culture industrielle» qui reliera l’ensemble des bâtiments historiques réhabilités, le projet Rout Lëns accueillera, sur 10,5 hectares, une école, des commerces et services de proximité, des espaces de travail, des logements, des équipements publics (maison relais, crèches) ainsi que des terrains de sport, des cafés et restaurants, sous oublier des espaces verts.
Les travaux d’assainissement et de démolition sont en cours depuis 2019. La mise en place des premières infrastructures est planifiée pour le second semestre 2022. La construction des bâtiments est prévue en 2023 pour une livraison des premiers logements en 2025. Les derniers seront disponibles en 2035.
Christelle Brucker
